- Auteur : Joyce Carol oates
- Lu : décembre 2013
- Ma note :
Abandonnée par sa mère à demi-folle au milieu des marais de l’Adirondacks, Mudgirl, l’enfant de la boue, est sauvée on ne sait trop comment, puis adoptée par un brave couple de Quakers qui l’élèvera avec tendresse en s’efforçant toujours de la protéger des conséquences de son horrible histoire.
Devenue Meredith « M.R. » Neukirchen, première femme présidente d’une université de grand renom, Mudgirl, brillante et irréprochable, fait preuve d’un dévouement total à l’égard de sa carrière et d’une ferveur morale intense quant à son rôle. Mais précisément épuisée par la conception d’une rigidité excessive qu’elle a des devoirs de sa charge, tourmentée par ses relations mal définies avec un amant secret et fuyant, inquiète de la crise grandissante que traverse les États-Unis à la veille d’une guerre avec l’Iraq (crise qui la contraint à s’engager sur un terrain politique dangereux) et confrontée à la classique malveillance sournoise des milieux académiques, M.R. se retrouve face à des défis qui la rongent de manière imprévisible.
Un voyage sur les lieux qui l’ont vue naître, censé lui rendre un peu de l’équilibre qui lui échappe, va au contraire la jeter dans une terrifiante collision psychique avec son enfance et menacer de l’engloutir une fois encore, mais dans la folie.
Cette impitoyable exploration des fantômes du passé, doublée du portrait intime d’une femme ayant percé le plafond de verre à un coût gigantesque, fait de ce livre ainsi que l’a proclamé la critique, « un géant parmi les grands romans de Oates ».
Mon avis
Ce que j’aime chez JCO, c’est qu’on est rarement déçu. Une nouvelle fois elle me bluffe avec son histoire de destin de bonne femme. Meredith Ruth Neukirchen a été trouvée dans les marais agonisante, abandonnée par sa mère folle à lier. Revenue de loin, elle ira également loin, puisqu’elle accèdera au poste de présidente d’une grande université, une première pour une femme. Oubliant sa vie de femme, et sa vie tout court, elle se dévoue tout entière à sa charge, elle doit à ses parents adoptifs quakers un certain humanisme et une grandeur d’âme irréprochable. Sa charge exige d’elle une retenue constante, un recul permanent face au contexte politique et social. Son dévouement absolu et ses convictions personnelles pèseront lourd sur ses épaules, de même que son statut de femme, par forcément accepté par le milieu universitaire dans lequel elle évolue, malgré les idées progressistes qui circulent. Trop de contradictions et de conflits intérieurs vont peu à peu plonger « M.R » dans le délire, jusqu’à confondre le réel et le fantasme. Surmenée physiquement, intellectuellement, et émotionnellement, il lui faudra atteindre ses limites et le burn-out avant d’affronter son passé, son enfance et les non-dits qui ont accompagné son adoption. Le passé de Mudwoman est lourd de questions sans réponses, de souvenirs flous mais intenses. La relation avec ses parents reste ambiguë, car bien qu’aimants et dévoués, le secret et le silence entretenus n’ont pas facilité les choses pour Mudgirl. Le même silence qu’elle doit respecter dans son milieu universitaire, pour ne surtout pas faire de vague, et conserver une neutralité de tous les instants. L’auteur nous donne également un aperçu peu reluisant du milieu universitaire, soi-disant progressiste et moderne, mais finalement très hypocrite.
Oates jongle avec le présent et le passé, le réel et le fantasmé. M.R. ne fait plus trop la différence, le lecteur non plus. Le dénouement, s’il est cohérent, n’en demeure pas moins abrupte, laissant le lecteur un peu perplexe, voire carrément sur sa faim. J’aime les fins ouvertes, mais à ce point-là, on frôle l’inachevé. Malgré ce tout petit bémol, Mudwoman reste du très grand Oates, un poil en-deçà cependant, de La fille du fossoyeur ou des Chutes.
Une remarque pertinente pour “Mudwoman”
Un grand roman en effet avec une fin c’est vrai très ouverte ;), mais M.R est un personnage fascinant.
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