- Auteur : Jane Smiley
- Ma note :
- Lu : juillet 2016
Walter Langdon avait un rêve : avoir enfin sa ferme à lui. Avec Rosanna, sa femme, il décide d’acheter une exploitation agricole, pour conquérir son indépendance, loin de l’intimidant regard paternel. C’est sur cette terre, dans l’Iowa, que se bâtit la légende des Langdon, tribu américaine qui va connaître, de près ou de loin, les profonds bouleversements de la première moitié du xxe siècle.
Cette traversée commence en 1920, à l’aube de la Dépression, et s’achève en 1953. Trente-trois ans (trente-trois chapitres), c’est le temps pour une génération d’éclore – celle de Frank, l’aîné des cinq enfants de Walter et Rosanna –, et pour une autre de voir le monde changer. Dans cette puissante saga familiale, Jane Smiley épouse le rythme de la vie-même, les imperceptibles caprices du temps, du hasard, toutes les petites et grandes choses qui tissent une destinée. Elle excelle à camper des personnages attachants, incarnant avec humanité et tendresse leur pays.
Mon avis
Une saga familiale qui s’étend sur plus de trente ans, qui démarre dans le fin fond des États-Unis quelques années avant la Dépression, et qui n’est que le début d’une trilogie prometteuse, voilà de quoi se plonger avec délice dans une lecture que l’on espère immersive.
Que nenni ! J’ai eu bien du mal à entrer dans l’univers de Jane Smiley. On se rend vite compte du parti pris de l’auteur, qui préfère la description contemplative du quotidien, jusque dans ses détails les plus insignifiants, à une véritable intrigue travaillée. L’un n’empêche pas l’autre, mais ici, le mélange ne prend pas. Walter et Rosanna Langdon, jeune couple d’agriculteurs, voient naître leur premier enfant en 1920, le petit Frank. Dans leur fin fond de l’Iowa, la vie de fermier est rude, ingrate, la ville et le monde extérieur sont quasi étrangers à Walter et Rosanna, qui ne vivent que pour leur ferme et leur survie. La description du milieu agricole est fine et détaillée, le quotidien des Langdon est bien dépeint, peut-être un peu trop même.
Au fil des années, cinq autres enfants verront le jour chez les Langdon. Avec tant de personnages, l’auteur nous offre vite une sympathique galerie de portraits, une belle matière pour une intrigue riche, des relations entre les protagonistes travaillées, prétextes à un moult ressorts dramatiques et à une évolution globale de l’histoire et des héros en phase avec la grande Histoire. Hélas, il n’en est rien. Malgré les quelques rares tragédies qui ponctuent le quotidien tristement fade des Langdon, on a du mal à être ému par leur sort. Les personnages sont tout juste ébauchés, jamais développés à leur plein potentiel, les relations entre eux demeurent un mystère, l’aîné est supposé martyriser son cadet, mais on ne sait pas s’il se contente de le taquiner, ou de lui pourrir la vie, car même là, on reste flou.
La famille Langdon, typique famille issue d’émigrés européens, attachée à sa terre, au travail rude, à Dieu, et j’en passe, incarne la famille traditionnelle américaine : la femme fait des enfants, fait la cuisine, va vendre ses œufs au village, l’homme travaille dur aux champs, se questionne sur l’éventualité d’abandonner le cheval pour un tracteur moderne, etc. On a droit à des pages entière de bébé qui fait son rot, ou qui s’amuse avec une cuillère. Je m’interroge encore sur l’intérêt du point de vue du bébé sur autant de pages. On comprend bien que le destin de la mère est de se reproduire, celui du père de se tuer au travail de la terre. Tandis que Rosanna devient maigre et moche à force de pondre sa progéniture, Walter s’épaissit et se dégarnit. On évite de peu la caricature avec Rosanna qui conçoit, et même espère, que ses enfants les plus intelligents et capables fuiront la vie à la campagne pour découvrir le monde, qu’elle sait bien plus vaste que les limites de ses terres. Le père, un peu plus rétif, finit par admettre que le monde change, que ses enfants ne sont pas tous faits pour mener la même vie que lui. Rosanna, mère bigote mais compréhensive et lucide, Walter, père terre à terre néanmoins capable de changer d’avis, voilà les seuls aspects qui rendent un peu sympathiques ces deux personnages.
Mais ce sont bien les seuls. Les autres ne sont que des entités à peine introduites dans l’histoire, on ne s’attarde sur aucun d’eux en dehors de leurs faits et gestes la plupart du temps sans intérêt. Machin va sur le pot, au collège, au lycée, à la fac, à la guerre. Mais du caractère du personnage, on ne sait pas grand-chose, ses sentiments, ses pensées profondes, ses motivations, rien n’est développé. On voit s’étendre la famille, les enfants grandissent à leur tour, se marient, font des enfants, travaillent.
La plume de l’auteur est très agréable, je l’ai beaucoup appréciée et c’est ce qui m’a donné l’envie de poursuivre ma lecture jusqu’à la fin, mais l’ennui a été présent d’un bout à l’autre malgré tout, car vous l’aurez compris, il ne se passe quasiment rien dans la vie des Langdon. Et lorsqu’il se passe quelque chose, on s’en fiche ! Il faut donc se faire une raison, il ne s’agit pas ici d’une véritable saga familiale dans la plus pure tradition, qui tient en haleine, qui crée la surprise, avec des rebondissements, des personnages riches et hauts en couleur, mais le récit d’un quotidien d’une banalité affligeante, l’ambiance y est contemplative, on voit d’égrainer les années au rythme des naissances, de quelques événements historiques, de décès.
Une jolie plume, certes, mais un schéma trop simple et répétitif, trop mécanique, sans passion ni inventivité. L’intérêt de ce livre est sans doute plus documentaire que romanesque. Ma curiosité a été vaguement éveillée sur la fin, au point d’envisager de lire la suite en VO dans la foulée. Hélas, ce sursaut d’intérêt aura été très bref.
Je préfère me rabattre sur d’autres romans de Smiley, tel que L’exploitation, en espérant y trouver un peu plus de vie.
Merci aux éditions Rivages pour la découverte
2 remarques pertinentes pour “Nos premiers jours”
J’avais lu et bien apprécié « un appartement à New-yor ». Justement avec une bonne intrigue il me semble.
Mais bon, ça date d’il y a 15 ans… au moins 😉
Et donc, bin je passerai mon chemin pour ce titre alors….
Certains de ses lecteurs ont aussi été déçus par ce roman-là, justement à cause de ce que je lui reproche et n’avaient pas retrouvé son sens de l’intrigue habituel, du coup j’ai espoir pour une autre tentative 🙂
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Pour la suite de mes lectures et autres déviances,
cela se passe désormais sur Okenwillow.