- Auteur : Solomon Northup
- Lu : janvier 2014
- Ma note :
Je suis né libre et j’ai goûté aux joies de la liberté pendant plus de trente ans. Jusqu’au jour où je fus capturé et réduit en esclavage. On m’a suggéré qu’un livre sur ma vie et mes infortunes pourrait intéresser les gens ? Solomon Northup 1841, ville de Washington. Deux hommes abordent Solomon Northup et lui proposent de jouer du violon dans leur cirque itinérant. À peine a-t-il accepté de les suivre qu’il est drogué et enlevé. Son identité est effacée et il est contraint de se présenter comme un esclave de naissance. Pendant douze terribles années, Solomon est vendu de propriété en propriété, travaillant dans les champs de coton ou sur des chantiers de construction en Louisiane. Dormant à même le sol poussiéreux, affamé, fouetté, il est menacé de mort par des maîtres qui le considèrent comme un sous-homme. Seule sa volonté de fer lui permet de ne pas sombrer dans la folie. Car Northup n’a qu’un objectif : survivre pour retrouver sa femme et ses trois enfants. Il ne laisse pas la cruauté le briser, et n’oublie jamais qui il est réellement : un homme prêt à tout pour retrouver sa liberté.
Mon avis
Il est rare voire impossible que je lise un livre après l’avoir vu au cinéma. En l’occurrence, j’ai vu le film à mi-chemin de ma lecture, et le plaisir n’en a été que plus grand.
Le récit de Solomon Northup a été publié peu de temps après sa libération, il y relate son enlèvement et ses douze années d’esclavage en Louisiane, loin des siens, loin de l’état de New York, où il est né libre. Marié, père de trois enfants et propriétaire d’une maison, Solomon est un homme éduqué, travailleur, et plein d’espoir. Trompé par deux faux employeurs, il sera drogué et vendu à une négrerie avant d’être envoyé en Louisiane, puis revendu à des planteurs. Très vite, Solomon comprend qu’il ne sert à rien de clamer son statut d’homme libre ou son identité, pour tous, il est désormais un esclave en fuite connu sous le nom de Platt. Affirmer le contraire lui vaudra au mieux d’être sauvagement battu, au pire, la mort. Vendu à un premier planteur du nom de William Ford, il sera ensuite cédé pour dettes à Tibeats, un charpentier cruel et violent, et dont l’animosité vaudra à Solomon de frôler plusieurs fois la mise à mort. Secouru par Ford, il finir par être vendu à un autre planteur, tout aussi violent, mais ne faisant pas de fixation particulière sur Solomon. Epps sera le nouveau maître de Solomon durant dix ans, jusqu’à sa libération.
Solomon relate sa vie d’esclave avec une grande pudeur, il semble même bienveillant à l’égard de Ford, dont il dit qu' »il n’y eut jamais de chrétien plus aimable, noble et sincère », car ce dernier, s’il se montre relativement bon envers ses esclaves, ne trouve rien de plus normal que de posséder des êtres humains, c’est pour lui dans l’ordre des choses, n’ayant jamais connu un autre mode de pensée ou de vie. Solomon n’en demeure pas moins lucide quant au véritable caractère de ses autres propriétaires. Epps, alcoolique, colérique et hyper-violent, a souvent des accès de violence dont ses esclaves font les frais. C’est le modèle de l’esclavagiste brutal, tortionnaire, qui ne voit dans l’homme noir qu’un animal utile. Le narrateur ne nous épargne rien, il raconte ce qu’il a vécu avec une grande modestie, précisant qu’il ne parle que des planteurs qu’il a connus, et de leurs méthodes, et ne s’avance pas à évoquer l’ensemble de l’esclavagisme, car il ignore comme cela se passe ailleurs. Certains passages sont assez durs, la violence nous est présentée telle quelle, sans fioriture, dans toute sa froideur. Durant toute sa captivité, Solomon garde le secret de sa véritable identité, sous peine d’être trahi par d’autres esclaves, ou puni (voire tué) par les Blancs. La fuite étant impossible sans trouver la mort à coup sûr, il doit se borner à attendre une occasion. Celle-ci se présentera au bout de douze ans, en la personne d’un charpentier canadien itinérant, dont les idées progressistes et humanistes tranchent avec les mentalités locales.
Un témoignage poignant, nécessaire, tout comme le film de Steve McQueen, une réussite au-delà de mes espérances, puisque l’accent est mis sur les personnages et leur ressenti. On retrouve ce que j’aime dans le cinéma anglais socio-réaliste, pas de grands effets, pas de fioritures, mais de la sobriété, de la profondeur, des acteurs plus vrais que nature. Les décors sont somptueux, mais pas à outrance, juste le nécessaire, on a beaucoup de plans serrés, de gros plans, et le réalisateur n’hésite pas à rester d’interminables, mais sublimes secondes sur un gros plan de Solomon, perdu dans ses pensées et dans ses peurs, ignorant s’il peut encore se raccrocher à son dernier espoir.
Et pourtant, pas de longueurs dans le film, on y retrouve un Solomon délicatement interprété par Chiwetel Ejiofor, un certes très noble, mais lâche William Ford (Benedict Cumberbatch), un abominable Epps (Michael Fassbender), une Patsey désespérée, mais toujours digne (Lupita Nyong’o). Brad Pitt fait une modeste apparition dans un pourtant rôle capital et un peu trop tronqué à mon goût. La lecture du livre permet de mieux comprendre certains événements passés sous silence ou raccourcis dans le film. Si 12 years a slave est une adaptation plus que réussie, c’est aussi un superbe film, loin de la grandiloquence américaine, car Steve McQueen ne cherche pas à faire pleurer dans les chaumières, il raconte une histoire vraie.
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