- Auteur : Ernest Shackleton
- Lu : janvier 2014
- Ma note :
Le 1er août 1914, le jour où l’Europe entre en guerre, le trois-mâts l’Endurance quitte Plymouth. Le but de l’expédition ? Traverser l’Antarctique. Mais, au-delà du 60e parallèle sud, les glaces se referment sur le bateau qui va lentement dériver pendant neuf mois. L’Endurance finit par se briser et Shackleton donne l’ordre à ses hommes d’évacuer le navire. Ils vont devoir survivre aux orques, aux tempêtes, au froid et à la faim avant de pouvoir enfin atteindre une terre : l’île de l’Éléphant. Mais l’hiver arrive et les chances de survie sont presque inexistantes. Shackleton et cinq hommes décident alors de partir sur le James Caird, l’un des canots de secours de l’Endurance, pour tenter de rejoindre la Géorgie du Sud. Une navigation aléatoire de 1 500 km au cœur des 50e hurlants. Les six hommes réussiront contre toute attente et leur exploit restera légendaire. Mais il leur faudra encore affronter les montagnes escarpées de Géorgie du Sud avant de pouvoir enfin déclencher les secours et réunir tout l’équipage sain et sauf. Le récit de Sir Ernest Shackleton, agrémenté des photos de Frank Hurley, offre un témoignage bouleversant.
Mon avis
Envoûtée par ces aventures polaires, j’ai enchaîné avec L’odyssée de l’Endurance, qui relate la 4e expédition britannique en Antarctique du XXe siècle. Le pôle Sud ayant été atteint en décembre 1911 par le Norvégien Amundsen, et Shackleton ayant toujours le goût de l’aventure, il ne lui reste plus qu’à tenter la traversée du continent, de la mer de Weddel à l’île de Ross, via le pôle Sud. C’est avec l’Endurance, navire conçu spécialement pour des voyages polaires, qu’il se rend en mer de Weddell, plein d’espoirs. Hélas, la tentative échouera bien vite, car l’équipe n’atteindra jamais la terre. L’Endurance restera bloqué par les glaces durant plusieurs mois, à la dérive, avant de finir broyé.
Désormais privés de leur « foyer », Shackleton et ses hommes vont continuer leur dérive au gré des mouvements des glaces, à la merci des baleines, du froid, de la faim. Leur seul espoir, dériver en direction des dernières îles de la péninsule antarctique, avant d’atteindre l’Atlantique Sud et de perdre leur dernière chance de survie. La plus grande partie de leurs vivres ayant été perdue avec l’Endurance, le rationnement s’impose. Shackleton, fidèle à lui-même, à plusieurs plans, auxquels il devra renoncer à chaque nouveau changement climatique. Finalement, la rupture des glaces menaçant, l’équipe poursuivra son avancée dans les canots, échappant ainsi à la laborieuse et harassante marche sur la glace, mais surexposée aux températures glaciales (dans les -20° !), car trempée en permanence. Malgré le froid, la faim, l’épuisement, tout le monde semble suivre leur chef dans son optimisme, malgré un moral parfois fluctuant vu les conditions inhabituelles. Shackleton finit par opter pour l’île de l’Éléphant, un minuscule bout de terre qui leur permettra de souffler et d’établir leur camp sur un sol stable et sécurisant. Ils y parviennent au bout de sept jours de navigation.
L’île de l’Éléphant étant loin d’être l’abri idéal, Shackleton décide rapidement de former une équipe de secours afin de rallier la Géorgie du Sud, distante de plus ou moins….1400km ! Parmi les hommes sélectionnés pour leur expérience, se trouve Frank Worsley, capitaine de l’Endurance, qui réussira à mener le canot James Caird « à bon port » à l’aide d’un simple sextant. Comme si les mois passés à la dérive avec puis sans l’Endurance ne suffisaient pas, les voilà repartis dans des conditions encore plus folles : parcourir 1400km d’un océan glacial et déchaîné, à bord d’un canot de sept mètres vaguement amélioré pour la circonstance. Même pas peur !
Au bout de quinze jours de navigation dans les pires conditions de visibilité, de climat, et de courants, nos six clodos sur leur coquille de noix l’héroïque équipage arrive en vue de la Géorgie du Sud. Mais ils ne sont pas encore au bout de leur peine, car pour atteindre la station baleinière de Stromness, il leur faudra encore 36 heures de marche à travers un terrain montagneux accidenté, escarpé, et surtout, encore inexploré à ce moment-là. Shackleton avait décidément le chic pour battre des records invraisemblables malgré ses échecs ! L’obligation de survie, sa responsabilité envers ses hommes, son incroyable optimisme, autant de facteurs qui ont contribué à tels exploits.
Trois jours seulement après leur arrivée à Stromness, Shackleton reprend la mer avec un navire pour le sauvetage des 22 hommes restés sur l’île de l’Éléphant. Malheureusement, les packs sont plus avancés que prévu, et la navigation s’avère impossible. C’est à la quatrième tentative que Shackleton parviendra à l’île de l’Éléphant, soit 4 mois après son arrivée en Géorgie du Sud. Sur les 22 survivants, aucun mort n’est à déplorer, les deux canots restants ayant servi d’abri de fortune, les phoques et les manchots ayant complété les maigres rations de vivres, dont il ne restait pratiquement plus rien au moment du sauvetage.
Et là, normalement, c’est le moment où on soupire de soulagement. Mais en fait non, parce que Shackleton n’en a pas fini avec ses tribulations. Parce que pendant que ce dernier était en classe de neige dans la mer de Weddell avec ses copains, l’équipe baptisée Ross Sea Party, chargée d’établir des dépôts de vivres entre l’île de Ross et le pôle Sud pour l’expédition Endurance lors de sa traversée de l’Antarctique, a connu elle aussi bien des soucis. Et notre héros n’oublie pas d’évoquer largement cet épisode, à partir de journaux des principaux protagonistes. L’Aurora, entraîné au large après la rupture de ses amarres, est contraint de laisser sur place une bonne partie de l’équipe, privée du même coup d’une bonne partie des vivres restés sur l’Aurora. Le navire est pris par les glaces durant plusieurs mois avant de pouvoir rejoindre la Nouvelle-Zélande tant bien que mal. Les hommes restés sur place parviendront à faire leur devoir afin de rendre la traversée de l’autre expédition possible, malgré le manque de vivres, le froid, la maladie, le scorbut… L’accomplissant dans les pires conditions, et pour une durée rarement atteinte par des expéditions polaires, trois hommes trouveront la mort. Infatigable, fidèle à ses hommes, et toujours habité par un sens du devoir inébranlable, Shackleton se joint au sauvetage de l’expédition Aurora, sitôt après avoir rapatrié les hommes de l’Endurance.
L’odyssée de l’Endurance est encore plus incroyable que la précédente expédition de Shackleton. Si elle s’avère un échec avant même l’accostage, les 22 mois qui ont suivi sont dignes des scénarios les plus rocambolesques. Je doute qu’un scénariste, même hollywoodien, aurait été autorisé à vendre une histoire aussi improbable. Les limites de l’endurance humaine ont été repoussées à l’extrême, malgré les éléments toujours défavorables, les conditions de survies d’une rare précarité, Shackleton et Worsley, pour ne citer qu’eux, ont accompli l’impossible. On reste pantois devant un environnement aussi peu adapté à la vie humaine, et lorsque l’on songe au nombre de mois passés dans ces conditions…les mots me manquent !
Ma PAL « polaire » étant ce qu’elle est, d’autre billets suivront dans les semaines qui viennent…
À voir
- Shackleton, un téléfilm avec Kenneth Branagh.
- une galerie flickr fascinante qui rassemble 69 photos de l’expédition par Frank Hurley.
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