- Auteur : Serge Brussolo
- Ma note :
- Lu : mai 2017
Il y a quinze ans, Debbie Fevertown s’échappait de Dipton après avoir tué sans pitié son mari et ses deux fils.
Aujourd’hui, Jillian Caine est engagée par le réalisateur Dieter Jürgen pour écrire le scénario d’un biopic retraçant la vie de la meurtrière. Jill rencontre des gens qui ont connu Debbie et ont partagé son quotidien, se rend sur les lieux du crime et découvre que la réalité n’est peut-être pas celle que les médias ont décrite à l’époque.
Quels mystères recèle l’étrange ville de Dipton ? Que cache ce culte insolite dédié aux arbres ? Et qui sont ces mystérieux gardiens que l’on nomme – à voix basse – les Geôliers ?
mon avis
Mon dernier Brussolo date de 2008. il était temps de m’y replonger un peu tant j’aime cet auteur aussi prolifique que déjanté. Car oui, son œuvre est vaste mais aussi parfois, subtilement délirante. Donc me voilà avec Les geôliers, avec une superbe couverture d’Aurélien Police, rien que ça.
La chose démarre l’air de rien avec une jeune scénariste un peu désœuvrée qui se voit proposer l’écriture d’un biopic sur une meurtrière ayant massacré mari et enfants quinze ans plus tôt. Un peu méfiante quant à la réputation sulfureuse du cinéaste, elle accepte néanmoins de se joindre au projet. Commence alors pour elle une enquête de terrain parmi l’entourage de la tueuse, des rescapés plus ou moins sains d’esprit qui évoquent le passé douloureux de Debbie, mère de famille maltraitée mais également obsédée par l’invasion extra-terrestre, au point de trucider dans un accès de démence son mari et ses deux fils. Un drôle de contexte dans lequel Brussolo met l’accent sur ce délire que bon nombre d’américains partagent : ils sont déjà là ! Si cet aspect prête à rire il permet d’évoquer les théories du complot qui fleurissent depuis longtemps parmi certaines populations. Ici, Brussolo a choisi la plus la marrante et une des plus anciennes, la présence d’extra-terrestre sur Terre. Il développe le thème qui sert de ressort à son intrigue, tout en brouillant les pistes et en entretenant l’ambiguïté jusqu’au bout. Le personnage de Jill est pragmatique, incrédule, la personnalité de Debbie reste une énigme, la tueuse, qui a disparu dans la nature, était-elle vraiment une femme brimée qui a pété les plombs, ou une malade en proie à un délire paranoïaque particulièrement violent ? Toujours est-il que Jill découvre une communauté bien étrange, qui vit en marge de la société, avec ses codes, ses règles, sa mythologie, et ses inquiétantes traditions. On n’est pas loin de la secte, avec son gourou et ses adeptes prêts à tout pour lui. Le séjour de Jill à Dipton se révèle effectivement particulier, l’équipe de tournage, elle-même assez déjantée dans son genre, n’est clairement pas la bienvenue, et le moindre faux pas menace d’avoir des conséquences terribles pour ces étrangers tout juste tolérés.
Brussolo va loin dans son intrigue, celle-ci évolue tranquillement jusqu’à des développements complètement dingues, le récit bascule dans l’absurde et dans l’horreur, un mélange de Lovecraft et de Stephen King sous LSD. Si l’on adhère à cet univers on prend plaisir à suivre l’action de plus en plus rythmée, où chaque révélation fait à la fois sourire et craindre le pire pour les personnages. L’auteur met à l’épreuve son inventivité, son humour, son goût pour l’excès et l’absurde. Le monde de Jill bascule irrémédiablement, mais son incrédulité la rend touchante et entretien le doute chez le lecteur. Un habile tour de force qui rend la lecture enthousiasmante. Un très bon Brussolo, qui me donne envie de me remettre un peu à jour à défaut de rattraper complètement mon retard.
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