- Auteur : Irène Frain
- Ma note :
- Lu : mars 2009
Un minuscule bloc perdu dans l’océan Indien. Cerné par les déferlantes, harcelé par les ouragans. C’est là qu’échouent, en 1761, les rescapés du naufrage de L’Utile, un navire français qui transportait une cargaison clandestine d’esclaves. Les Blancs de l’équipage et les Noirs de la cale vont devoir cohabiter, trouver de l’eau, de la nourriture, de quoi faire un feu, survivre. Ensemble, ils construisent un bateau pour s’enfuir. Faute de place, on n’embarque pas les esclaves, mais on jure solennellement de revenir les chercher. Quinze ans plus tard, on retrouvera huit survivants : sept femmes et un bébé. Que s’est-il passé sur l’île ? À quel point cette histoire a-t-elle ébranlé les consciences ? Ému et révolté par ce drame, Condorcet entreprendra son combat pour l’abolition de l’esclavage.
Mon avis
Comme beaucoup en ce moment j’ai lu le dernier Irène Frain, proposé par Chezlesfilles.com. Plus ça va, moins j’accepte, par manque de temps ou d’intérêt, et j’essaie de résister à l’appel de la découverte gratuite qui apparait dans la boîte aux lettres. Je n’accepte donc plus que des livres qui a priori m’emballent vraiment. Ce fut le cas pour celui-ci, car j’avais lu Le Nabab il y a des années, et j’étais tombée sous le charme de l’auteur, un vrai voyage ! J’ai donc vu là l’occasion de me plonger dans un univers qui m’attire depuis toujours mais que bizarrement je n’ai pas encore tellement lu. Les récits de marins, les romans historiques, j’aime ! Donc voilà, je n’ai pas résisté et j’en suis bien aise !
Tout d’abord, je m’attendais à un livre plus porté sur le romanesque, à l’image de mon souvenir du Nabab, tout en me demandant comment Irène Frain avait bien pu s’y prendre pour broder autour de faits dont finalement on sait trop peu de choses. Et très vite j’ai compris, elle a opté pour l’historique à tout prix, en utilisant le présent et beaucoup de conditionnel. Elle prend tout d’abord le temps de nous présenter l’île, comme un personnage à part entière et on plonge ainsi dans l’ambiance très vite. Ses descriptions sont saisissantes et on imagine bien le cadre hostile qui attend les futurs protagonistes.
À partir des rares archives elle relate sous une forme sobre et passionnante cet épisode honteux, ni tout à fait un roman, ni tout à fait un document. Elle se penche plus sur l’évolution des Blancs (en tous cas certains) qui finissent par voir les Noirs comme des humains, que sur ce qui aurait pu passionner les foules en manque de sensations. En s’en tenant principalement aux faits connus, on assiste à un drame dont l’étendue ne pouvait être appréhendée que par des marins de l’époque. Faire naufrage, loin de tout, sur une île qui n’a même pas d’existence officielle, est synonyme de mort certaine. Sans doute moins de nos jours, mais à l’époque du récit, une rencontre avec un récif inattendu pouvait tourner au cauchemar. Bref, voilà pour l’ambiance, ajoutez à cela un îlot franchement pas accueillant et des hommes pas très scrupuleux, et le tout donne une situation des plus oppressantes, géographiquement et humainement.
Suite au naufrage de l’Utile les Blancs et les Noirs vont se retrouver dans le même bateau (attention jeu de mot !), et chacun devra gérer à sa manière son traumatisme du naufrage, puis la tentative d’évasion de l’île. Deux peuples, l’un opprimant l’autre, qui partagent un même instinct de survie, ça laisse des traces. Les personnages principaux des événements (les acteurs dont on en sait le plus) se verront transformés par l’expérience. Castellan, le premier lieutenant, le héros qui revint de l’île avec son équipage mais laissa les Noirs derrière lui, n’aura de cesse de tenir sa promesse de revenir les chercher. Malgré ses efforts et son insistance il faudra quinze ans pour que quelqu’un s’intéresse à ce bout de corail menaçant. Quinze ans pour sauver les derniers naufragés, sept femmes et un bébé.
L’auteur ne brode rien non plus autour des quinze ans de solitude des Noirs laissés sur l’île. On ne saura que ce qui a été découvert lors des missions archéologiques menées sur l’île. Bien peu de choses donc, mais suffisamment pour rester admiratif devant tant de persévérance et d’espoir.Les quelques indices laissés par les naufragés suffisent à deviner leur étonnant instinct de survie, leur volonté et leur dignité d’hommes et de femmes livrés à eux-mêmes loin de tout.
Plus qu’une histoire de naufrage, ou de marins, c’est une histoire de trahison involontaire de la part d’un homme qui découvre une humanité chez des individus jusque là considérés comme du bétail. Une histoire d’espoir et de volonté de vivre, malgré la trahison, l’isolement et le dénuement total.
Pour en savoir plus :
- Site officiel d’Irène Frain
- Site du GRAN, Groupement de recherche en Archéologie Navale
- L’île Tromelin sur Wikipédia
12 remarques pertinentes pour “Les naufragés de l’île Tromelin”
Et moi je suis bien aise de lire ta chronique 🙂 Je vais attendre la fin du mois pour m'y plonger. Comme ça, ça fera moins embouteillage. Je vois que tu lis Terreur. Il est extra. Bonne lecture et couvre-toi bien !
Je me sens d'humeur aventureuse ces temps-ci
Le sujet me tente beaucoup mais si ce n'est pas romanesque, je crains un peu.
Et j'y serai au Salon 😈
Tout d'abord, je ne te salue pas. 😈
Le côté véracité historique l'emporte sur l'invention, et c'est très reposant de ne pas se demander ce qui est vrai et ce qui ne l'est pas. J'aime les romans historiques mais je ne suis pas contre les documents non plus, bien au contraire, surtout s'ils sont agréables à lire et pas pesants comme ça aurait pu être le cas. Les faits rien que les faits, avec juste ce qu'il faut de romancé pour rendre le tout attractif. Et le sujet n'a pas forcément besoin de fioritures, le livre est un peu à l'image de l'île, pas de superflu
Tu as raison, je n'ai pas insisté sur le fait qu'on ne sait pas tellement ce qui se passe pendant quinze ans… je trouve que c'est mieux ainsi en effet, l'ensemble reste plus crédible.
Au début je pensais qu'elle allait broder là-dessus mais non, et c'est tant mieux, le mystère entretient le trouble (comme c'est bien dit !) et puis bon, question d'honnêteté aussi, on en sait tellement peu sur ces quinze ans, qu'inventer serait un peu abuser des lecteurs je pense. 😐
Pour ma part, j'ai été gênée par cette navigation (jeu de mots aussi. 😛 ) entre les genres.
Mais j'ai tout de même pris plaisir à lire ce livre. 😉
J'ai beaucoup aimé aussi, et apprécié pour les mêmes choses : la présentation de l'île, et le fait de privilégier l'historique, sans chercher à inventer ce qu'elle ne connaissait pas.
Tout comme toi, au bout d'un moment, chez les auteurs qui mélangent histoire et fiction, cela me fatigue de me demander ce qui est vrai et ce qui ne l'est pas.
Je vais le recevoir prochainement. J'évite donc de lire ton avis complètement. Je le ferai après l'avoir lu. En tout cas, je suis contente de savoir que ça t'ait plu et qu'on n'est pas dans le romanesque. Je ne connais pas l'auteur donc je verrai si ça passe bien entre elle et moi
J'ai eu beaucoup de plaisir à lire ce livre, intéressant par son coté historique, mais néanmoins plein d'humanité et de vie.
J'aime les îles…. chacune recèle des particulariatés qui lui sont propres ! L' île de Bréhat offre une palette de couleurs qui confine au romantisme, l' île d' Ouessant s'impose abrupte, sans concessions … on aime ou on n'aime pas ! Je les aime toutes !
L' Ile Tromelin, l'intouchable et pourtant "avaleuse" de tout ce qui vient s'y frotter, sèche et en même temps tellement trempée par les vagues et embruns, désertique mais offrant au naufragé eau et nourriture (source, oiseaux, crabes et tortues…) ! Elle pourrait être l' île du diable et pourtant tout un chacun en rêve dés lors qu'il l'a vue, lue, connue…
Ce livre restera gravé dans ma mémoire ! Il catalyse à lui seul les ambiguïtés de l Homme et son indéniable capacité à s'adapter à toutes les situations !
On ne peut que déplorer puissamment l' esclavage et l'aparthéide si avilissants pour l'espèce humaine !
Merci Irène Frain !
je viens de lire le livre, et j'ai voulu voir les photos de l'ile afin d'imager le texte. je pense que les quelques semaines de survie de l'équipage de l'utile face aux quinze ans de solitude des esclaves montrent que l'égalité des races à cette époque ne pouvait même pas d'être envisagée, mais que l'épreuve commune avait rapprochée les deux peuples et changée radicalement certaines idées ancrées depuis des générations. Certains hommes montrent dans les épreuves leur vrai visage et tant mieux s'il est beau à voir (Castellan…) Beau récit, livre à conseiller
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