- Auteur : Michèle Astrud
- Ma note :
- Lu : février 2016
Dans un monde en déliquescence, la sécheresse et la canicule font des ravages, l’égoïsme et l’anarchie règnent, et chacun lutte férocement pour sa survie. Antoine, un ancien professeur, rend quotidiennement visite à sa fille Chloé qui, suite à un événement traumatique dont il se sent coupable, souffre de graves troubles de la mémoire et réside depuis des années dans une maison pour enfants malades. Antoine se bat contre l’oubli et la destruction, en photographiant son environnement en train de disparaître, et en reconstruisant sa relation douloureuse avec Chloé. C’est alors que réapparaît Sonia, son amour de jeunesse, devenue documentariste de renom, mais elle meurt avant qu’ils ne puissent tourner la suite du film qu’ils avaient jadis commencé ensemble. Antoine décide de partir sur les routes avec Chloé, dans l’espoir que ce voyage lui permette de sauvegarder les archives de Sonia, et de les sauver eux-mêmes.
Dans une atmosphère des derniers jours où l’obscurité gagne, dans une errance où l’oubli croît, Antoine réussira-t-il à assumer son rôle de père ? Chloé arrivera-t-elle à grandir ? Parviendront-ils, ensemble, à retrouver la lumière ?
Mon avis
Le peu que j’avais lu au sujet de ce roman était alléchant et je m’étais mis le titre de côté pour plus tard, et lorsque que l’éditeur Aux forges de Vulcain m’a contactée pour m’en proposer la lecture, forcément, je ne pouvais pas refuser !
Je découvre donc Michèle Astrud avec ce titre, et autant le dire tout de suite, sa plume m’a complètement séduite. De l’efficace, pas de fioritures, pas d’effets de manche, que de l’essentiel. On entre dans le vif du sujet avec le récit d’Antoine, ancien prof et passionné d’audiovisuel, qui passe son temps à survivre et à prendre tout ce qu’il peut en photo. Il rend également visite à sa fille Chloé, gravement traumatisée dans l’enfance et qui vit dans une institution spécialisée. Les détails de la vie d’Antoine ne nous sont fournis qu’au compte-goutte, comme d’ailleurs tous les détails concernant le monde dans lequel vivent ce père isolé et sa fille. Nous ne savons quasiment rien les circonstances qui ont mené le monde à sa perte, mais l’on comprend que les survivants ne sont pas tous logés à la même enseigne, et que le peu qui fonctionne encore est en sursis. Antoine vit dans une ville abandonnée ou presque, l’eau commence à se faire rare, les gens aussi. Les populations ont fui cet été perpétuel et se sont réfugiés dans les grandes villes. Pourquoi, comment, on n’en sait rien et on ne le saura pas. Vous l’aurez compris, ici point de monde créé dans le détail, point de reconstitution sociale ou de réflexion sur le futur, mais une histoire d’un père qui redécouvre sa fille, qu’il pensait perdue pour lui et pour le monde. L’aspect post-apocalyptique du récit est du domaine de l’anecdotique, une toile de fond de fin du monde pour une quête initiatique personnelle très auto-centrée, car plus on avance dans le récit, plus on se resserre sur le duo père-fille. Partis à l’aventure, investis d’une mission, celle de préserver l’œuvre de Sonia, amour de jeunesse d’Antoine et cinéaste réputée, le monde environnant s’ouvre devant eux, et délivre malgré tout quelques petits secrets.
Mais là encore, le contexte demeure prétexte. Un passé révolu, une ère d’innocence et d’insouciance irrémédiablement perdue, tout cela fait écho à la relation d’Antoine et de Chloé, dont la mémoire profondément endommagée et très aléatoire va jusqu’à lui faire oublier son propre père et l’appeler « monsieur ». La mémoire défaillante de Chloé, symbole de l’ancien monde, désormais en proie à un été sans fin et à une débâcle imminente, a parfois des sursauts inattendus qui ouvrent le chemin vers l’acceptation. Se souvenir pour mieux passer un cap, ne pas renier le passé pour mieux affronter l’avenir, c’est un peu la conclusion de ce récit étrange, parfois empreint d’irréalité, d’une atmosphère onirique (tendance cauchemar), sur la relation d’un père et de sa fille. Les fervents amateurs de pure SF seront peut-être frustrés de voir le récit à ce point centré sur ces deux personnages, et non pas sur l’univers environnant, mais là n’était pas le but de l’auteur. Pour ma part ce fut un vrai plaisir de lecture, même si moi aussi j’aurais adoré en savoir plus sur le contexte, et non pas uniquement sur Antoine et Chloé, car j’ai toujours un peu de mal avec les récits trop nombrilistes qui occultent le reste de l’univers. Néanmoins, la chose passe assez bien ici, grâce à la plume efficace de l’auteur et de la brièveté relative du roman. Une bien jolie découverte, donc.
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