- Auteur : Jay Asher
- Ma note :
- Lu : avril 2017
Clay Jensen ne veut pas entendre parler des enregistrements qu’Hannah Baker a laissés. Hannah est morte, ses secrets avec elle.
Pourtant, son nom figure sur ces enregistrements. Il est l’une des raisons, l’une des treize responsables de sa mort. D’abord choqué, Clay écoute les cassettes en cheminant dans la ville. Puis, il se laisse porter par la voix d’Hannah. Hannah en colère, Hannah heureuse, Hannah blessée et peut-être amoureuse de lui. C’est une jeune fille plus vivante que jamais que découvre Clay. Une fille qui lui dit à l’oreille que la vie est dans les détails. Une phrase, un sourire, une méchanceté ou un baiser et tout peut basculer…
mon avis
À l’occasion de la sortie de la série sur Netflix, 13 reasons why, Albin Michel réédite dans sa collection jeunesse le roman 13 raisons de Jay Asher, sous son titre anglais. L’édition inclut un livret de photos extraites de la série.
Avant de voir cette série qui m’avait l’air digne d’intérêt, j’ai préféré commencer par lire le livre. Je ne parlerai donc pas de la série que je n’ai pas encore vue.
Clay Jensen, ado sans histoire et apparemment bien sous tout rapport, reçoit d’un expéditeur inconnu un lot de cassettes audio enregistrées par Hannah, une lycéenne qui s’est suicidée quelques jours plut tôt et dont il était discrètement amoureux. Le contenu des cassettes ne fait rapidement plus de doute, Hannah s’adresse aux treize personnes qui ont joué un rôle dans sa vie, un rôle assez nocif pour contribuer à son suicide. Le jeune homme est d’abord sidéré de faire partie des destinataires, avant de se résoudre à écouter le récit d’Hannah, de plus en plus glaçant.
En l’espace d’une soirée, Clay écoute donc les cassettes, les propos d’Hannah alternant avec les souvenirs et réflexions de Clay concernant les propos de la jeune fille. On s’aperçoit vite que le point de vue de Clay diffère souvent de celui d’Hannah lorsqu’il a connaissance de certains faits relatés. Ce qui pour Hannah avait contribué à son mal être, Clay n’y avait pas toujours vu de mal. La jeune fille raconte son entrée au lycée après son arrivée en ville. Nouvelle, et donc vierge de toute rumeur, elle ne tarde pourtant pas à faire les frais d’une réputation peu flatteuse. De mains aux fesses en remarques déplacées, de racontars en propos diffamatoires, Hannah subit les brimades et les déceptions, aussi bien en amour qu’en amitié. Si elle donne l’air d’avoir plutôt bien encaissé les coups sur le moment, il n’en est rien, car l’accumulation de toutes ces « contrariétés » n’ont fait que miner son état d’esprit déjà fragile.
De subtiles allusions nous laissent penser qu’Hannah avait déjà des soucis avant son entrée au lycée, mais l’auteur n’en dira pas plus. Cela suffit à comprendre que le malaise de la jeune fille ne date pas d’hier, mais que ces récentes brimades n’ont fait qu’accentuer son mal-être, la poussant peu à peu dans un état d’esprit trop profondément ancré pour s’en défaire seule. Les années d’adolescence étant ce qu’elles sont, plus ou moins délicates selon les individus, elles n’en restent pas moins une période de fragilité pour beaucoup. Le harcèlement sous toutes ses formes, les vexations, les rumeurs, le regard des autres, le sexisme, le viol, autant de raisons de plonger un ados dépressif dans un puits sans fond. Lorsqu’Hannah tente d’appeler à l’aide, la seule fois où elle s’en monter capable, elle n’est pas écoutée. Pire, son désarroi est minimisé.
J’ai vu certains lecteurs lancer des polémiques autour du livre (et il semble que le même phénomène s’applique à la série), accusant l’auteur de glorifier le suicide et de le justifier. Je crois que nous n’avons pas lu le même livre. L’auteur se met dans la peau de ses personnages, pas dans celle de l’adulte éclairé ayant le recul nécessaire. Le point de vue de Clay est important, c’est celui d’un ado qui n’a rien vu de la détresse d’Hannah, qui ne pensait pas à mal, mais qui n’a pas su reconnaître certains signes, ni même envisager les conséquences néfastes de certains comportements envers elle. Les adultes du récit non plus n’ont rien vu, ou rien voulu voir. L’auteur ne se lance pas dans une analyse approfondie de pourquoi comment on en vient à se suicider, il illustre simplement la chose par le biais d’un ado qui n’a pas le recul nécessaire, ni une bonne compréhension du problème. Du coup, il met l’accent sur l’isolement profond d’Hannah, sur son inaptitude à exprimer sa souffrance, de même que sa difficulté à prendre vraiment conscience de son étendue. Ce qui est considéré comme normal ou anodin par la société la fait souffrir (à juste raison) mais étant apparemment la seule, elle se renferme de plus en plus dans son mal-être. L’incapacité des adultes à reconnaître les signes avant-coureurs est également mise en avant, et c’est même là le plus choquant. De la même manière, les manifestations de sexisme, les rumeurs sur son compte et les abus de toutes sortes ne choquent pas grand-monde. Le récit d’Hannah nous montre les dégâts de la banalisation de la violence (des actes et des mots), du sexisme et de la tolérance envers l’intolérable, et met en évidence la complexité du processus qui mène au suicide.
Un roman qui s’adresse donc clairement à des adolescents dans sa forme, si l’on considère le point de vue utilisé et la relative simplicité du traitement, mais une excellente lecture pour le propos de fond, qui met en lumière des problèmes de société qui hélas, perdurent.
Les commentaires sont désormais fermés.
Pour la suite de mes lectures et autres déviances,
cela se passe désormais sur Okenwillow.