- Auteur : David Vann
- Lu : novembre 2013
- Ma note :
Sur les rives d’un lac glaciaire au cœur de la péninsule de Kenai, en Alaska, Irene et Gary ont construit leur vie, élevé deux enfants aujourd’hui adultes. Mais après trente années d’une vie sans éclat, Gary est déterminé à bâtir sur un îlot désolé la cabane dont il a toujours rêvé. Irene se résout à l’accompagner en dépit des inexplicables maux de tête qui l’assaillent et ne lui laissent aucun répit. Entraînée malgré elle dans l’obsession de son mari, elle le voit peu à peu s’enliser dans ce projet démesuré. Leur fille Rhoda, tout à ses propres rêves de vie de famille, devient le témoin du face-à-face de ses parents, tandis que s’annonce un hiver précoce et violent qui rendra l’îlot encore plus inaccessible.
Mon avis
Depuis le temps que j’avais ce livre dans ma PAL il était temps de l’attaquer ! Sukkwan Island m’avait laissée pantoise, David Vann récidive en plantant son décor dans une Alaska de fin d’été, pluvieuse et grise. Du huis-clos père-fils, nous passons au règlement de compte matrimonial. Irene et Gary sont de jeunes retraités, que les aléas de la vie a poussé à faire leur vie en Alaska. Désormais libres de leur temps, il vont réaliser le rêve de Gary, construire une cabane sur une île et y passer l’hiver. En bonne épouse dévouée, Irene va aider son mari malgré de violentes migraines. Au fil de l’avancement laborieux des travaux, on assiste à une lente agonie conjugale. Les migraines d’Irene, symbole d’une violente et douloureuse prise de conscience, et la cabane de Gary, matérialisation d’un rêve de jeunesse jamais atteint, vont s’affronter dans un climat malsain de non-dits, de rancœurs, de regrets et de haine de moins en moins dissimulée. Leur fille Rhoda, en digne fille admirative du couple que forment ses parents, ne croit pas sa mère lorsque celle-ci lui confie sa peur d’être quittée par Gary. Est-elle folle ? Ou perturbée par ses violentes migraines ? La retraite l’a-t-elle plongée dans une dépression paranoïaque ? Tout au long de la construction de la cabane, la tension monte au sein du couple. De retards en problèmes techniques, d’improvisations en ratés, l’obstination de Gary n’a d’égal que le mépris d’Irene. Leur fille Rhoda, en couple avec un dentiste, attend patiemment sa demande en mariage. Compagne (déjà) dévouée et soucieuse du bien-être de son homme, elle fait beaucoup penser à sa mère, avant ses désillusions. Le destin de deux couples va se jouer en quelques jours. On sent venir le drame pour l’un, car on ne peut pas lutter contre l’inéluctable, quant à l’autre, on ne sait pas ce qu’il adviendra de lui. Les dialogues entre Irene et Gary sont d’une étonnante justesse, leurs rapports sont tendus en permanence, chacun essayant de sauver les apparences tout en évitant le conflit. Si l’analyse du couple Irene-Gary est confondante de réalisme, celle de Rhoda et de son dentiste n’ont rien à lui envier. Entre cynisme et fatalisme, David Vann élabore une tragédie d’une violence inouïe, à la hauteur de Sukkwan Island, et qui met un point final à l’ambiance pesante et suffocante du récit.
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