- Auteur : Fabrice Colin
- Ma note :
- Lu : janvier 2016
Au cours d’un séjour à Berlin, la jeune Julie Spieler, en quête d’une improbable réconciliation avec son père, Abel – séducteur impénitent, époux volage, menteur invétéré et professeur de littérature allemande à la Sorbonne –, débusque la récipiendaire putative de textes inédits de Kafka, écrivain qui fait l’objet d’une folle idolâtrie de la part de son inconséquent géniteur. La jeune fille entame alors de difficiles tentatives d’approche auprès de cette vieille dame particulièrement revêche qui porte en elle toute la mémoire d’un siècle traversé de guerres, d’exils et d’horreurs. L’été suivant, contre toute attente, ces trois personnages se retrouvent dans un chalet, face au mont Blanc, pour dénouer les noeuds et secrets obscurs dont chacun a tressé sa vie.
De Paris à Berlin en passant par Prague, sous l’éternel regard de l’iconique Kafka ou dans l’inquiétante ombre portée d’une impériale montagne, le roman fait se rencontrer les vivants et tous les spectres qui les hantent sur une scène où les protagonistes se débattent comme pour échapper au cruel sortilège qu’ils ont eux-mêmes concouru à forger.
Convoquant une structure narrative limpide où le réalisme le dispute aux images mouvantes et la gravité à un humour féroce, Fabrice Colin mène ici une superbe enquête romanesque sur les liens qui nous lient et nous délient au fil d’une libératrice traversée des apparences.
Mon avis
Voilà déjà un moment que je connais Fabrice Colin de réputation, sans l’avoir encore jamais lu. Son œuvre est déjà si vaste que le choix d’une première lecture s’avérait compliqué. Il fallait bien une proposition de SP pour me jeter à l’eau. L’ayant déjà noté pour plus tard dans le catalogue, il ne m’en fallut pas plus.
La poupée de Kafka est une ode à la littérature, qui prend le prétexte d’un demi-mythe autour du personnage de Kafka pour déambuler dans les méandres des relations père-fille. Les relations en question sont ici très compliquées. Le père, professeur de littéraire à la Sorbonne, est un obsessionnel du livre en général, de Kafka en particulier. Sa fille, qui est toujours passée plus ou moins après ces deux passions dévorantes, va profiter de cette « faiblesse » de son père pour renouer des liens déjà fort usés, en tentant de résoudre le mystère de potentiels manuscrits perdus de Kafka. Usant de toute la diplomatie possible, mais sans cacher son jeu, Julie va donc toucher du doigt le fameux secret de la poupée et des lettres perdues.
J’ai été charmée par la plume de Fabrice Colin, le style est d’une grande élégance sans être pompeux, poétique sans être alambiqué. Le récit est empreint d’onirisme et une grande délicatesse se dégage du roman. L’atmosphère est étrange, vaporeuse, ça sent la vieille dentelle et la poudre de riz, surtout avec l’entrée en scène d’Else Fechtenberg, délicieux personnage de vieille bique misanthrope. Mais même quasi-centenaire, elle garde son secret, et reste une menteuse pathologique. Un père, sa fille, et une vieille bourgeoise avec des secrets, voilà un trio bien insolite.
Le secret n’est pas forcément celui que l’on croit, et pour ma part, j’aurais préféré plus de développement de ce côté-là, car on reste un peu sur notre faim avec des révélations qui arrivent comme un cheveu sur la soupe. Certains ressorts m’ont paru bizarres, voire tellement déliés que pas mal de choses restent inexpliquées ou trop imprécises. Le début du récit semble dilué dans une suite d’anecdotes sur la vie et les relations d’Abel et Julie, on se disperse un peu chronologiquement, ce qui en soit ne me gêne pas, mais j’ai eu par conséquent du mal à m’accrocher à leur évolution. À ce stade, lorsque le personnage d’Else apparaît, je ne me suis pas attachée à Abel et Julie. Ni plus tard d’ailleurs, lorsqu’il est temps pour les uns et pour les autres de mettre carte sur table, et que personne ne bouge. Le trio fonctionne sur des non-dits, des mensonges plus ou moins pieux, mais le récit aussi, et on a l’impression de rater la moitié de l’histoire, voire des histoires, car outre celle d’Abel et Julie, celle d’Else a également un gros potentiel, mais on reste dans l’évocation, la suggestion. La sensation de quelque chose d’inachevé ne m’a pas quittée durant toute la lecture, comme si l’auteur n’avait fait qu’effleuré le sujet sans trop fouiller les personnages, ce qui fait que le secret de départ n’en a jamais été un, et que les révélations finales viennent de nulle part ou presque, sans que rien de vraiment tangible ne nous y prépare.
Un roman un peu frustrant donc, mais le style étant un ravissement à lui tout seul, ce fut une belle découverte.
2 remarques pertinentes pour “La poupée de Kafka”
Tu vois, à la lecture de ton billet, j’ai commencé justement par me dire que je ne doutais pas de son style d’écriture, mais que le thème ne parlait pas, avant d’arriver à la fin de ton billet et de me dire, que non, ce livre ne semble pas pour moi.
Je suis bien contente de l’avoir découvert, ça me donne envie de découvrir le reste, dans un autre genre peut-être, mais j’espère la même finesse de style 🙂
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