- Auteur : Margaret Atwood
- Ma note :
- Lu : décembre 2015
Dans un futur peut-être proche, dans des lieux qui semblent familiers, l’Ordre a été restauré. L’État, avec le soutien de sa milice d’Anges noirs, applique à la lettre les préceptes d’un Évangile revisité. Dans cette société régie par l’oppression, sous couvert de protéger les femmes, la maternité est réservée à la caste des Servantes, tout de rouge vêtues. L’une d’elle raconte son quotidien de douleur, d’angoisse et de soumission. Son seul refuge, ce sont les souvenirs d’une vie révolue, d’un temps où elle était libre, où elle avait encore un nom. Une œuvre d’une grande force, qui se fait tour à tour pamphlet contre les fanatismes, apologie des droits de la femme et éloge du bonheur présent.
Mon avis
La servante écarlate, c’est le Petit chaperon rouge sous l’Inquisition, plus ou moins. La narratrice ne nous explique pas grand-chose de ce qui a conduit à l’avènement d’une société patriarcale et totalitaire, dominée par la religion. Ses allusions, ses souvenirs sont les seuls indices dont le lecteur dispose.
Nommée Defred le temps de son affectation chez le Commandant, son rôle est la reproduction. Déjà mère dans sa vie « du temps d’avant », sa fertilité en fait une Servante, caste de femmes dont la fonction est de porter l’enfant d’un haut placé, à une époque où la plupart des femmes sont stériles. Les Épouses, dont le seul pouvoir se limite au foyer, et les Marthas, domestiques assignées à la gestion de la maisonnée sont deux autres castes bien définies. Les Servantes sont des utérus sur pattes, leur noms les associent à leur Commandant, et elles en changent à chaque affectation. Formées au Centre rouge, les Servantes sont endoctrinées, dressées à oublier le passer et à se comporter comme des sous-femmes. Elles doivent le peu d’attention dont elles font l’objet à leur fertilité, leur individualité étant réduite à néant. La soumission et l’obéissance sont de rigueur.
Le récit de Defred est glaçant d’un bout à l’autre. Ses souvenirs, qu’elle réussit à entretenir pour ne pas sombrer totalement dans la folie et la soumission, sont ses seules échappatoires. On découvre ainsi sa vie d’avant, par fragments, dans une société à bout de souffle dont les excès engendreront un retour en force de la religion avec ses interdits et ses excès inverses. La femme est redevenue un objet dépendant de l’homme, et celles qui ne sont pas fertiles, les malades et les plus âgées sont envoyées aux Colonies, pour traiter des déchets toxiques. Les perspectives qui leur sont proposées sont donc réduites au minimum. La mort ou la maternité forcée.
Le style d’Atwood est très particulier, il retranscrit parfaitement la pensée de Defred, et ses errances et ses réflexions sont parfois bouleversantes. L’auteur réussit à construire un état d’esprit réaliste dans son ambivalence, entre espoir, dépression, soumission, désir de vivre. On sent une certaine incrédulité de la part de Defred, sa vie et la société ayant été bouleversées à un point à peine imaginable, sa soumission apparente au nouvel ordre du monde est plus un état de choc, un réflexe de survie face à ce contre quoi elle ne peut pas lutter. Ses souvenirs sont ses seules preuves de sa vie d’avant, son seul moyen de ne pas sombrer.
On ne sait quasiment rien des circonstances de ce changement de pouvoir, mais le résultat est réaliste, crédible, des situations très approchantes existent déjà dans certaines parties du monde, et existeraient partout si on laissait la religion prendre le pouvoir.
Une fiction spéculative très réussie, atypique, « vue du dedans », et troublante de réalisme.
Un film a été réalisé par Volker Schlöndorff en 1990. La bande annonce est rédhibitoire et révèle l’intrigue du début à la fin. Sinon, le film est visible ici, en entier, VO non sous-titrée.
4 remarques pertinentes pour “La servante écarlate”
Un roman essentiel et terrifiant.
N’est-ce pas ? 🙂 J’ai oublié de mentionner le fait que la traduction était un poil bancale, au point que certaines énormités avaient été corrigées par le « numériseur ». J’dis ça j’dis rien.
Un roman qui me tente depuis des années… il faut que je me le procure! 🙂
Alors j’espère avoir initié un passage à l’acte ! 😀
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