- Auteur : Ray Bradbury
- Ma note :
- Lu : juillet 2017
Le maître de la science-fiction rend hommage aux grands classiques du roman noir américain : un récit sombre et envoûtant.
Par une nuit d’orage, un jeune auteur en mal de succès entend murmurer à son oreille : «La solitude est un cercueil de verre.» Quand il se retourne, personne. Le même soir, le cadavre d’un vieillard est retrouvé suspendu dans une cage aux lions. Persuadé d’avoir entendu l’assassin, l’écrivain s’improvise détective.
Son enquête nous entraîne au cœur de la vieille station balnéaire de Venice, Californie, alors aux mains des démolisseurs. À la veille des années cinquante, la cité du cinéma n’est plus que l’ombre d’elle-même. Ses habitants, aussi excentriques que leur ville, laissent planer une inquiétante étrangeté où il est difficile de démêler le fantasme de la réalité…
mon avis
Depuis juin 2017, Denoël nous propose une nouvelle édition du roman de Bradbury, Death is a lonely business, traduit par Emmanuel Jouanne. Ray Bradbury est un chouchou de jeunesse, il fait partie des auteurs cultes qui ont accompagné mes premiers pas en SF, avec Chroniques martiennes, L’Homme illustré, Remède à la mélancolie, Bien après minuit et surtout Fahrenheit 451. Je les ai toujours dans ma bibliothèque, dans la collection Présence du futur, chez Denoël, avec leurs superbes (et très regrettées) couvertures. Et pourtant je n’avais toujours pas lu La solitude est un cercueil de verre, l’occasion de renouer avec cet incontournable du genre.
Le narrateur, jeune écrivain fauché et provisoirement éloigné de sa fiancée pour des raisons professionnelles, se retrouve seul avec sa machine à écrire et son imagination dans une ville en voie de démolition. Lors d’un trajet en tramway, un inconnu murmure dans son dos « La solitude est un cercueil de verre » (il faudra qu’un jour on m’explique par quel cheminement intellectuel la phrase-titre : Death is a lonely business, a pu devenir celle que l’on connaît en français, c’est effectivement joli, sybillin, poétique, mais ça n’a rien à voir). Plus tard dans la soirée, lorsqu’il découvre le cadavre d’un vieux monsieur dans une cage, il ne peut s’empêcher de faire le lien avec l’étranger du tramway. Sous le regard perplexe et paternel du lieutenant-détective Crumley, le jeune auteur va s’obstiner à vouloir démasquer le coupable.
Bradbury a voulu rendre hommage au roman noir, j’y vois plutôt une parodie de whodunnit classique. Du noir, je n’en vois pas. Du suspens, non plus, de l’action, encore moins. On retrouve la magnifique plume pleine de poésie et d’inventivité qui m’avait séduite dans ses autres romans et nouvelles. Les métaphores sont systématiques, l’ambiance est empreinte d’un certain onirisme frisant parfois le surréalisme, tant et si bien qu’il est souvent difficile de distinguer la réalité du fruit de l’imagination fertile de l’auteur. On patauge dans l’étrange, l’intrigue m’a paru n’avoir ni queue ni tête, car même si notre opiniâtre héros parvient à résoudre l’énigme, ce fil rouge reste bien ténu et peine à tenir l’ensemble. La galerie de personnages est très riche, chaque protagoniste est finement ciselé, la bizarrerie prédomine chez chacun d’eux avec un délicieux côté marginal. Les diaogues sont particulièrement réussis, l’humour est très présent et les réparties font mouche. Néanmoins, les enchaînements de situations sont des plus curieux, ils manquent parfois de logique et de cohérence, l’ambiance onirique accentue ce sentiment de confusion qui ne m’a pas quittée tout au long de ma lecture. On se demande souvent où tout cela nous mène, s’il va se passer quelque chose, on se pose effectivement des questions, mais à mon avis, pas les bonnes. Bref, malgré une écriture et une traduction superbes, le fond du propos m’a un peu échappé, j’ai sans doute manqué de références et de mémoire pour apprécier les clins d’œil de l’auteur au reste de son œuvre, que l’on devine malgré tout. Une petite déception en ce qui me concerne, car une plume maîtrisée et des effets de styles, ça ne me suffit pas, il me faut un fond, une histoire, une cohérence, autant d’aspects que je n’ai pas trouvés ici. Je n’ai pas non plus retrouvé le charme et l’étrangeté de ses autres romans, plus anciens, peut-être que cela a à voir avec le fait qu’il s’agit ici d’une de ses dernières œuvres, quasi auto-biographique, écrite après une longue période de vide, à un âge où on commence à se remémorer son passé, sa jeunesse, avec la nostalgie qui va avec. À mon avis, ce n’est pas le meilleur moyen d’aborder l’œuvre de Bradbury.
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