- Auteur : Dan Simmons
- Ma note :
- Lu : juin-juillet 2015
Il est important de noter avant de commencer ce billet, que je pressens laborieux à écrire tant il y aurait à dire sur cette saga, que le space opera est typiquement le genre de SF qui ne m’attire absolument pas. Je le mets au même niveau, plus ou moins, que l’heroic fantasy en matière de fantasy, un genre qui m’ennuie prodigieusement. L’excès de magie, les innombrables facilités que la magie et le viol des lois de la physique permettent, me fatiguent d’avance, voire m’horripilent. Je n’ai jamais aimé Star Wars, pas plus que Star Trek et consorts. Et s’il existe des exceptions audiovisuelles (si peu qu’aucune ne me vient à l’esprit), Hypérion est la première exception littéraire. Après ce coming out, vous pouvez me frapper, faites-vous plaisir.
C’est donc sur cette base branlante que je me suis attaquée aux Cantos d’Hypérion, car j’adore Dan Simmons pour certains de ses autres romans hors SF. Je vis dangereusement, mais j’aime la plume de Simmons, je me suis donc lancée. J’ai alors opéré une seconde phase dans ma vie de lectrice, car à 19 ans, je n’étais pas du tout attirée par la SF, et c’est en lisant 2001 A space Odyssey, d’Arthur C.Clarke que j’ai eu l’illumination et découvert la hard science (merci à mon prof de littérature anglaise de la fac !). Il m’aura donc fallu vingt ans de plus pour découvrir que le space opera ça pouvait aussi être chouette. Allez-y, jetez-moi des cailloux.
Et me voilà donc avec une saga fleuve à chroniquer, impossible tâche selon moi ! Mais essayons au moins d’effleurer le sujet.
Le cycle d’Hypérion comporte quatre romans, chacun habilement divisé en deux dans l’édition française, parce que ça rapporte plus de vendre huit livres au lieu de quatre. La série peut se diviser en deux périodes, Les Cantos d’Hypérion, comprenant Hypérion (1 & 2) et La chute d’Hypérion (1 & 2), et Les Voyages d’Endymion, composés d’Endymion (1 & 2) et L’Éveil d’Endymion (1 & 2). Je les ai lus tous à la suite, avec une courte pause entre les deux périodes. Plusieurs siècles séparent les deux parties, et on ne retrouve pas forcément les mêmes protagonistes, mais l’intérêt demeure, car l’univers créé par Simmons relève sinon du génie, du moins d’un esprit puissamment schizophrène.
Hypérion 1 & 2
Le premier roman relate le voyage de sept personnages choisis pour accomplir un pèlerinage sur Hypérion, afin de percer le mystère des Tombeaux du Temps, et d’affronter le gritche, un croisement plus ou moins réussi entre HAL-9000 et Edward Scissorhands. Comme les voyageurs ne se connaissent pas, chacun va relater son histoire au fil du trajet vers Hypérion et les Tombeaux. Un prêtre d’une religion devenue quasi-insignifiante, un militaire, un poète, un érudit accompagné d’un nouveau-né, une détective privée, un diplomate et un capitaine de vaisseau vont apprendre à se connaître durant la durée de leur périple à l’issue incertaine. Chaque récit est un univers à part entière, Simmons situe ses personnages dans des mondes différents, tous faisant partie de l’Hégémonie. L’Humanité a quitté la Terre depuis plusieurs siècles, a colonisé la galaxie, et s’étend désormais sur une multitude de mondes. Le Technocentre, Intelligence Artificielle que l’on devine descendante de notre Internet, a permis une avancée technologique suffisante pour accéder au voyage interstellaire. L’Hégémonie n’a qu’un ennemi, les Extros, des humains ayant choisi de s’adapter à leur nouvel environnement spatial. Ce début de saga regorge d’idées, d’inventions, de concepts, et le voyage temporel y joue un grand rôle, un aspect qui a tout pour me séduire dès le départ. On passera sur l’abus de néologismes aussi stupides qu’inutiles, car à un certain niveau d’accumulation le procédé en devient risible. Regardez comme j’ai de l’imagination, j’invente tout plein de mots que je mets ensemble dans la même phrase ! Insupportable. Mais si on passe outre ces accès délirants, on plonge dans un univers hors norme et bouillonnant.
La psychologie de chaque personnages est très fouillée, leurs motivations étant différentes selon leur passé et leur vécu. Leur arrivée devant les Tombeaux du Temps est l’occasion d’entamer une nouvelle phase du récit, qui devient plus linéaire et plus classique, malgré la problématique récurrente du Temps. On entre dans le vif du sujet, on rencontre le gritche, et chacun des pèlerins va devoir faire des choix, agir ou mourir. Le puzzle se met en place peu à peu, on pressent tout juste l’immensité de l’œuvre, on l’on est fébrile à l’idée de se tromper, peut-être.
La chute d’Hypérion 1 & 2
La menace Extro, pourtant si lointaine, gagne du terrain, contre toute attente. L’espace devient le théâtre d’affrontements titanesques, la guerre est déclarée. Pendant ce temps-là, nos sept pèlerins poursuivent leur quête aux Tombeaux du Temps. Celui-ci s’affole et réserve bien des surprises à nos protagonistes. Les lieux, les époques, les personnages, tout s’entremêle, et contribue à agrandir un puzzle loin d’être résolu. Plus on avance dans le récit, plus les brumes sidérales s’épaississent. Le personnage de Johnny Keats, énième cybride du poète (pouët) John Keats (comprendre : un clone mi-humain, mi-intelligence artificielle) prend de l’importance dans cet épisode, et facilite certains ressorts scénaristiques. Précisément du genre qui normalement me hérisse les poils du nez. Mais passons, c’est trop tard, je suis séduite et envoûtée. À ce stade, Dan Simmons peut bien écrire ce qu’il veut. Et il ne s’en prive pas puisque la suite des événements va être le prétexte à un feu d’artifice d’idées. Oui, encore.
Les péripéties des pèlerins se poursuivent, et au lieu de les éclairer sur leur avenir personnel ou leur futur collectif, les événements continuent de semer le doute. Le gritche reste un mystère, s’il est désormais acquis qu’il n’est en rien un mythe, ses origines, son rôle, et son but demeurent obscurs. Les coups de théâtres ne manquent pas, que cela soit sur Hypérion ou sur Tau Ceti Central. La présidente Gladstone se débat entre ses convictions, ses doutes et son devoir. Le rôle du Technocentre, le but des Extros, les motivations des uns et des autres ne sont toujours pas claires, le lecteur attend la conclusion avec fébrilité. Si si, croyez-moi.
Endymion 1 & 2
Trois siècles ont passé, rien de moins. Inutile de préciser qu’on ne retrouvera pas tous les héros du premier cycle, néanmoins on ne sera pas trop dépaysé avec la participation du poète Silenus, personnage haut en couleur au langage fleuri. Le nouveau héros est un jeune homme qui a refusé le cruciforme, renonçant ainsi à la résurrection, il se nomme Raul Endymion et ne se doute pas du destin qui l’attend. Raul est une espèce d’anti-héros, il est choisi, missionné, et baladé d’un monde à l’autre au gré des événements. Chargé par Silenus de retrouver Énée, la fille de Brawne Lamia, et disparue presque trois siècles plus tôt dans les Tombeaux du Temps, il va parcourir des années-lumière, contourner divers obstacles, affronter moult dangers. Le personnage d’Énée est un des plus évolutifs avec celui de Raul, son destin hors du commun, que l’on devine mais dont le cheminement reste inconnu, est intimement lié à celui du jeune homme. Les deux personnages sont le jouet d’événements qui les dépassent, et si Énée semble savoir à peu près où elle va et en savoir beaucoup plus que tout le monde sur le déroulement de l’action, elle est également dans le doute et le tâtonnement permanents, consciente de ce qu’elle est, mais pas toujours sûre de tout. Avec ce nouveau cycle, Simmons se lâche encore un peu plus, le délire devient frénétique et on frise parfois l’exagération. J’ai souvent pensé à la série La Compagnie des Glaces, de Georges-Jean Arnaud, lorsque ce dernier commençait à perdre les pédales en noircissant les pages juste pour honorer des délais et des commandes. Ça foisonne d’idées rocambolesques, mais ça fonctionne malgré tout, en tout cas avec moi. Le récit est si riche, la narration si habile, que l’on se laisse prendre au jeu.
Dans ce second cycle, la Pax et l’Église ont remplacé l’Hégémonie. La religion, pourtant tombée en désuétude, a connu un renouveau inattendu, renforçant son emprise sur l’Humanité, désormais totalement asservie par le cruciforme, ce parasite amélioré qui permet la vie éternelle. La mission de Raul et d’Énée prend clairement des allures de quête impossible, leurs voyages les mènent à travers l’espace ou le long du fleuve Thétys, avec à leurs trousses le père capitaine de Soya, envoyé par la Pax. Tiraillé entre sa foi, son devoir et ses doutes naissants, de Soya réserve bien des surprises.
L’éveil d’Endymion 1 & 2
Pour Endymion, c’est effectivement l’éveil à tous les niveaux. Énée a bien grandi, son destin lui apparaît de plus en plus clair, même s’il subsiste des zones d’ombre. La Pax, se sachant menacée, cherche toujours Énée. Et d’ailleurs, qui est réellement Énée ? Annoncée comme un messie, comme Celle Qui Enseigne, son but est de libérer l’Humanité du joug de la Pax, et de l’Église. Agissant tel un virus, sa parole se répand d’un monde à l’autre. Elle semble savoir désormais où elle va et comment y aller. L’enfant de douze ans a laissé place à l’adulte, avec toujours une grande part de mystère mais une nouvelle assurance. Le fidèle Raul, l’anti-héros ballotté depuis plusieurs années, ne fait qu’entrevoir ce futur, et en apprend ni plus ni moins que le lecteur lui-même. L’apparente omniscience de Raul qui lui permet de relater (et d’achever ?) les cantos trouve une explication à la fin de la saga. Ce dernier volume est sans doute le plus fou, le plus échevelé. L’inventivité de Simmons n’a pas de limites, l’intrigue est particulièrement complexe, les ramifications nombreuses, les personnages toujours aussi profonds et la part de mysticisme reste élégamment dépourvue de religiosité. Le poids de la religion, l’Intelligence artificielle et son devenir, l’évolution et l’adaptabilité de l’Humanité, aussi bien dans le monde physique que spirituel, sont des thèmes majeurs des Cantos. La dimension spirituelle et humaine de la saga prend toute son ampleur avec cette magistrale conclusion. Pour peu que l’on soit séduit par la plume de Dan Simmons, et que l’on passe outre ses excès, cette série vaut la peine d’être lue, sans s’arrêter au premier roman. Après ma lecture j’ai vu ça et là des abandons et des déceptions, car l’introduction est déjà un tel délice que la suite peut décevoir. Ou pas. Pour ma part, cela a fonctionné, jusqu’à la conclusion en apothéose.
Fait rigolo. Ou pas.
Notons une bizarrerie de traduction parmi d’autres, car celle-ci m’a spécialement frappée et bien fait rigoler : un dispositif automatisé de premiers secours très perfectionné, appelé « médi-pack », devient un « doc-en-boîte » dans le dernier volume. La traductrice aurait peut-être dû faire simple en reprenant les mêmes termes que son prédécesseur au lieu de faire n’importe quoi.
4 remarques pertinentes pour “Les Cantos d’Hypérion”
J’ai eu le premier tome offert (à l’achat d’un livre de la collection), et donc, il est dans ma PAL. Par contre, j’avoue que cette série impressionne.
Je ne sais pas si j’oserai tenter le Simmons SF (je suis déjà pas très très SF)… Bon par contre, celui de Drood me tente hyper vachement.
Bah moi, j’étais PAS DU TOUT Space opera…et voilà….Je dis pas que je vais en lire plein maintenant, hein, faudra être du niveau d’Hypérion pour que ça me plaise ! 😛 La barre est haute.
Terreur est une pure merveille aussi : https://lectrice-heretique.com/terreur
Je suis sur l’Échiquier du mal là, c’est quelque chose aussi ! 😀
Je fais partie de ceux qui ont été extrêmement déçus à la suite du premier tome. Lu en Anglais, d’ailleurs.
Le fait d’avoir écrit des histoires dans six styles différents, même si la dernière était essouflée. Tout l’intérêt du roman ne résidait pas dans l’univers, assez lambda, assez peu intéressant finalement, mais dans les différentes manières de le présenter, avec un petit raté chez Lamia (je ne suis pas rentré dans le délire de Keats, que je ne connais ni d’Eve ni d’Adam) et chez le Consul. Gros démarrage donc, avec une toile de fond un peu bof-bof mais qui permet de relier le tout, comme les best-ofs des séries télé somme tout.
Et là, on bifurque à 180° dans le tome 2 avec un point de vue assez peu intéressant, qui nous éloigne complètement de nos pèlerins et des enjeux du premier tome, qui appesanti lourdement sur la toile de fond qui n’est pas très intéressante (youpi, une guéguerre qu’on a déjà vue dans Dune entre autres) et un auteur en roues libres, qui se perd dans des méandres de ce que je trouve être du remplissage 🙁
Ben moi je fais du boudin et je retourne voir l’Empereur-Dieu de la SF, chez qui la traduction a aussi eu des ratés d’un tome à l’autre puisque les limachons sont devenus des lochons.
Les traducteurs sont des branquignols. Je ne le sais, j’en suis un!
[…] vous invite également à découvrir les avis : de Koko, d’une Lectrice Hérétique, de […]
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