- Auteur : Steven Price
- Ma note :
- Lu : janvier 2018
Londres, 1885. Une tête de femme est repêchée dans les eaux sombres de la Tamise. En charge de l’enquête, le grand détective William Pinkerton se lance sur la piste du célèbre Edward Shade, mais ce dernier lui file sans cesse entre les doigts. Pinkerton s’engouffre alors dans les bas-fonds londoniens : réverbères dans la brume, fumeries d’opium, égouts tortueux, séances de spiritisme. Il y découvre un monde d’espions, de maîtres chanteurs, d’adeptes de sectes, de voleurs à la petite semaine et de tueurs sans pitié.
Grandiose, profondément évocateur, L’Homme aux deux ombres dresse le portrait saisissant de personnages au bord de l’abîme. Plongé dans un univers de secrets et de faux-semblants, le lecteur découvre l’histoire du lien improbable entre William Pinkerton, détective de légende, et Edward Shade, l’homme le plus mystérieux de la capitale victorienne.
mon avis
Paru chez Denoël en novembre dernier et traduit par Pierre Ménard, L’homme aux deux ombres est un pavé de presque 800 pages.
S’il s’agit ici d’une pure fiction, l’auteur a mis en scène des personnes réelles pour camper deux protagonistes, Allan et William Pinkerton. Le premier a créé l’agence de détectives Pinkerton National Detective Agency en 1850. Il a été agent des services secrets durant la guerre de Sécession. La renommée de l’agence n’étant plus à faire depuis longtemps, celle-ci est désormais passée dans la culture populaire. Steven Price s’appuie donc sur Allan Pinkerton et son fils William pour broder une intrigue fournie aux multiples flashbacks. Le lecteur fait ainsi des allers-retours du Londres victorien à la guerre de Sécession, avec un bref passage par l’Afrique du Sud.
William et Edward
William Pinkerton est donc à la recherche d’Edward Shade, insaisissable escroc dont il pense avoir retrouvé la trace à Londres. Au début du récit on ne sait pas réellement ce qui pousse Pinkerton à traquer Shade. Le détective semble vouloir poursuivre la traque commencée par son père vingt ans plus tôt, mais il manque d’informations et le secret qui entoure la relation de Pinkerton père et de Shade reste bien gardé. Son obsession va le mener dans les bas-fonds de Londres, à la poursuite du meurtrier de son seul témoin, Charlotte Reckitt, une autre figure du milieu. Sa rencontre avec un escroc fauché, Adam Foole, va changer le cours de son enquête et lui ouvrir de nouvelles pistes. L’enquête autour de la mort de Charlotte est un vrai faux départ. (Je ne vous dis pas pourquoi, débrouillez-vous)
L’apparition de Foole et de ses acolytes donne lieu à une intrigue parallèle, et il faudra s’armer de patience pour voir le rapport entre Pinkerton, Foole et Charlotte Reckitt. Le principal motif de suspens s’émousse assez vite mais le mystère reste assez dense pour tenir le lecteur en haleine et entretenir sa curiosité. L’auteur prend le temps de monter son décor, de créer son ambiance et ses personnages. Rien n’est laissé au hasard. Le déroulement de l’histoire est subtil, non linéaire, nourri de retours en arrière bien calibrés, mais qui pourraient frustrer le lecteur habitué aux rythmes plus soutenus. À travers sa traque d’Edward Shade, c’est la vérité que William recherche.
Il ne s’agit donc pas d’un polar dans la plus pure tradition (comme on dit). Pas de coups de théâtre ni de révélations fracassantes. Ce sont les personnages et les ambiances qui sont au premier plan, au point que Pinkteron et Shade font de l’ombre à certaines figures secondaires. Ce qui est d’autant plus dommage qu’elles auraient gagné à être plus développées.
Quelques défauts, donc
Certains événements pourtant majeurs semblent passer progressivement à la trappe, comme si l’auteur n’avait pas su s’en dépêtrer proprement. Le personnage de Molly s’exprime de manière bien trop adulte pour être crédible. L’absence de signes typographiques de dialogue est très pénible, et au bout de 800 pages, cela reste très désagréable. Je n’ai pas compris ce que ce choix apporte au roman. Bien que très belle, la couverture à l’esthétique art déco n’a rien de victorien. Elle n’évoque absolument pas l’ambiance du roman, mais plutôt Hercule Poirot. Dommage, à trente ans près, on y était presque.
L’ensemble se lit bien et les amoureux de l’Angleterre victorienne y trouveront leur compte, sous une plume habile et efficace. L’aspect polar est très en dessous de ce que l’on pouvait en attendre, l’auteur ayant choisi de mettre l’accent sur la relation entre Shade et les Pinkertons. Une belle galerie de personnages même si les seconds couteaux m’ont paru sous-exploités.
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