- Auteur : Anne Bourrel
- Ma note :
- Lu : mai 2017
Il fait un froid, cette année. Mais un froid. Du jamais vu. Pourtant sur les pistes des Cévennes, pas un centimètre de neige, les tire-fesses sont à l’arrêt. Une station fantôme…
Si Ferrans pensait faire oublier à sa femme, Laure, la mort de son grand-père, c’est plutôt raté. L’auberge qu’il a choisie pour ses deux filles et pour Laure n’a du Bonheur que le nom. Elle est peuplée d’une patronne obèse, d’un lézard barbu et d’un moniteur de ski aux yeux morts. Et partout : la terre trempée, la boue. Pourtant, Ferrans s’obstine à rester jusqu’à ce que l’imprévu retourne comme un gant cette famille recomposée en apparence bien sous tous rapports.
mon avis
Je viens de découvrir Anne Bourrel avec son second roman, et j’ai aussitôt enchaîné avec le premier, que j’aurais dû lire avant. Logique !
Bref, j’ai commencé avec son roman le plus rafraîchissant, puisqu’il se déroule en février, dans les Cévennes, par un froid anormalement glacial. Laure pleure son grand-père, son chagrin est tel qu’elle s’est transformée en fontaine à eau et quelle ne dort plus. Son riche mari pense bien faire en l’emmenant en vacances faire du ski, dans une auberge * qui s’avère être un boui-boui glauque et pas du tout digne de leur standing. Laure, son mari et les deux filles de ce dernier vont devoir passer quatre jours coupés du monde civilisé, privé de réseau, d’internet et surtout, de neige. Tandis que Laure continue de pleurer et de ne pas dormir, son mari tente de trouver des distractions champêtres pour ses filles afin de compenser l’absence de neige et d’atténuer la frustration qui en résulte. Ambiance, ambiance.
Le récit est rapporté par la mère de Laure, son point de vue quasi omniscient est un mystère à lui tout seul. Ce personnage apparaît très vite antipathique, mais pas autant que Laure, à qui j’aurais aimé mettre une paire de baffes. Son personnage de petite bourgeoise oisive et dépensière est antipathique, son chagrin est tout à fait compréhensible, mais on aurait presque du mal à compatir. Le personnage d’Antoine, son grand-père, nous est dévoilé par le biais de chapitres racontés par lui-même. C’est toute une jeunesse et un passé lointain qui nous sont relatés. On en apprend beaucoup sur lui et le secret qui le liait à sa petite-fille. Sur fond de Guerre d’Espagne, de Retirada et d’intégration, le personnage d’Antoine est sans doute le plus attachant. Réfugié catalan, il passe par le camp d’Argelès ** avant d’être envoyé à Bram, camp tellement méconnu et quasi oublié que moi-même je n’en avais jamais entendu parler. On apprend des choses ! On comprend aussi que Laure ne pleure peut-être pas seulement son grand-père qui l’a élevée, mais aussi l’homme qu’il a été, l’adolescent d’avant son exil, avec son histoire, son passé, ses secrets.
Entre-temps, les vacances de Laure ne s’arrangent pas, mais on mesure mieux l’étendue de son chagrin et son indifférence par rapport au fiasco de son séjour et à l’égoïsme de Ferrans. Tous ces protagonistes sont définitivement antipathiques, plus vrais que nature ! Ils sont comme ils pourraient être en vrai, des gens ordinaires, en somme. C’est un aspect qui m’a bien plu dans cette histoire. Peu à peu, dans ce contexte glacial de vacances ratées où l’on sent la frustration des uns et le désespoir des autres, les choses vont se précipiter, des rencontres et des événements inattendus vont changer le court des choses, jusqu’au dénouement fracassant. Celui-là, on ne l’attendait plus !
Le grand talent d’Anne Bourrel est de mettre en place une situation bien particulière, un presque huis-clos, une ambiance bien pourrie, des personnages bien fracassés, et de laisser la chute venir d’une manière qu’on n’attend pas. La plume de l’auteur est efficace, sans chichi, et parfois non dépourvue d’humour. Ses personnages sont vivants, réalistes. La chute est surprenante, difficile à anticiper, tout bascule et s’explique d’un coup, même certains aspects auxquels on ne pensait pas. Une découverte réjouissante qui m’a incitée à plonger aussitôt dans son premier roman Gran Madam’s.
* Cette auberge existe !
** c’est chez moi !
Les commentaires sont désormais fermés.
Pour la suite de mes lectures et autres déviances,
cela se passe désormais sur Okenwillow.