- Auteur : Joyce Carol Oates
- Mon avis :
- Lu : mars 2017
Jusqu’alors un havre de savoir, paisible autant que réputé, Princeton est encore en ce mois de juin 1905, une communauté anglo-saxonne riche et privilégiée sous tous les rapports. Mais ce matin-là, à l’heure même de son mariage, au pied de l’autel, Annabel Slade, fille et petite-fille d’une des grandes familles des lieux, est enlevée par un homme étrange, vaguement européen, plus ou moins prince et qui, en fait pourrait bien être le Diable en personne. Et Princeton ne sera plus jamais comme avant. L’affaire plonge non seulement les Slade dans la honte et le désespoir, mais elle révèle l’existence d’une série d’événements surnaturels qui, depuis plusieurs semaines, hante les habitants de la ville et ses sinistres landes voisines. Habitants parmi lesquels on compte Grover Cleveland (qui vient juste de terminer son second mandat à la Maison Blanche), Woodrow Wilson, président de l’Université, un individu compliqué obsédé par l’idée du pouvoir, ou encore le jeune socialiste Upton Sinclair et son ami Jack London, sans oublier le plus célèbre des écrivains/buveurs/fumeurs de l’époque, Samuel Clemens-Mark Twain, tous victimes de visions maléfiques. La noirceur règne parmi ces personnages formidables que Josiah, le frère d’Annabel, décidé à la retrouver, va croiser au cours de cette chronique d’une puissante et curieuse malédiction : car le Diable est vraiment entré dans la petite ville et personne n’est épargné… à part le lecteur à qui est offerte avec ces Maudits une fascinante étude des mœurs et de l’histoire politiques des États-Unis au XIXe siècle.
Mon avis
Le dernier roman de la série dite « gothique » de Joyce Carol Oates, un pavé conséquent que j’ai mis beaucoup de temps à lire. Beaucoup.
Oates nous livre ici une étude de mœurs à l’aube d’un nouveau siècle. Narré par un historien indirectement concerné par les événements qui frappèrent la famille Slade et tout Princeton, le récit mène de front plusieurs aspects, pas toujours très pertinents selon moi. L’intrigue de base repose sur une malédiction qui s’abat sur une grande famille de Princeton, ses conséquences immédiates et ses répercussions sur la ville entière. Présenté comme un roman gothique, celui-ci mélange plutôt les genres, entre chronique de la vie universitaire, satire sociale, historique du socialisme de début de siècle, et famille maudite en détresse.
Ici, le Diable intervient sous plusieurs formes, la famille Slade n’est pas la seule touchée, car les comportements de certains protagonistes sont inexpliqués, incongrus, voire carrément criminels, tout Princeton est victime de manifestations diaboliques. Religion, racisme, condition féminine, soif de pouvoir, la diable a de quoi faire !
La multitude de personnages et de situations ne m’a aucunement gênée, cela permet d’explorer divers points de vue, avec des voix et des tons différents, mais la flagrante dispersion du récit, de plus en plus dilué dans des digressions longues et bavardes, englue le peu de suspens présent dans un marasme d’ennui. Je n’ai ressenti de la curiosité pour les événements qu’à la moitié du livre. Celle-ci devenant fluctuante jusqu’à la fin. Pourtant, les portraits que Joyce Carol Oates dresse de ses personnage sont exquis, sa plume est un pur délice, la traduction est vertigineuse. L’humour est omniprésent, mais à la façon d’Oates, subtil et élégant. On ne se tape jamais sur les cuisses avec JCO, on reste digne. En outre, tous les ingrédients et les codes du roman gothique sont présents, agrémentés d’une critique de la religion, des superstitions et des traditions familiales désuètes, de l’accès au pouvoir, de la condition des Noirs, de la femme…
L’intrigue est enrichie (ou polluée, selon le degré d’optimisme du lecteur) par des chapitres entiers consacrés aux déboires professionnels du président de l’université de Princeton, Woodrow Wilson, accessoirement futur président des États-Unis (entre autre), au militantisme socialiste du jeune Upton Sinclair, et à la goujaterie d’un Jack London démystifié. Que ces personnages historiques se voient consacrer autant de chapitres, sans le moindre rapport avec l’intrigue principale m’a rendue perplexe. Si la présence d’Upton Sinclair trouve un soupçon de raison d’être à la fin du roman, cela m’a semblé violemment capillotracté.
Les différences tragédies qui parsèment le récit sont difficilement parvenues à me captiver, tant les digressions m’ont paru n’avoir pas ou peu de sens par rapport à l’histoire. Le rythme général en a souffert, car ces passages aussi long que superflus n’apportent absolument rien à l’intrigue et, de plus, ils sont très mal intégrés à l’ensemble.
Le final, pour lequel j’ai persévéré dans ma lecture, n’a pas vraiment répondu à mes attentes. Le lecteur trouvera des réponses à ses questions, mais je ne les ai pas trouvées entièrement satisfaisantes, l’aspect fantastique peut paraître parfois mal exploité, et la crédibilité de l’ensemble m’a laissée sur ma faim.
ATTENTION SPOILER: Clique si tu oses => | Même pas peur !> |
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Une lecture qui vaut certes le détour, pour la plume de JCO et sa galerie de personnages, mais qui pourra être laborieuse de par son rythme inégal et sa construction décousue. Bref, je suis passée à côté de la substantifique moelle, croyant trouver une raison d’être à des chapitres inutiles à l’histoire. Je ne sais absolument pas où l’auteur a voulu en venir, malgré de grands moments très inspirés, comme la descente aux enfers d’Annabel.
3 remarques pertinentes pour “Maudits”
« On ne se tape jamais sur les cuisses, on reste digne » 🙂 LOL
T’es comique aussi.
(héhé j’ai cliqué sur l’alerte, mais pas lu ;-))
En gros tu m’intéresses avec ce livre. il y en avait d’autres avant?
Bon par contre le fait que tu dises qu’il t’ait fallu du temps, que ça soit inégal etc… ça me fait un peu peur… surtout venant d’une grande fan-addict comme toi 🙂
Grosso modo il ne vaut mieux pas commencer avec celui-là si on ne connait pas JCO, dans le genre digressions et flashbacks à foison, ça marchait mille fois mieux avec Nous étions les Mulvaney, ici, ça n’a pas de sens pour moi. Sa série gothique est juste thématique, les romans sont complètement indépendants.
Oui donc… pas tout de suite pour celui-ci. Façon tu m’as encore super re-teasée avec Les chutes 🙂
(puis je pense que j’ai deux JCO dans ma PAL encore.)
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