- Auteur : M.J.Engh
- Ma note :
- Lu : décembre 2017
Ancien président du Turkestan, général moitié ouïghour moitié ouzbek, Arslan a conquis le monde. Pour une raison obscure, c’est dans l’insignifiante petite ville américaine de Kraftsville, Illinois, qu’il a décidé de fêter sa victoire finale.
Dès lors, le plus important n’est pas tant qu’Arslan ait conquis le monde, mais ce qu’il va faire avec. Une perspective effrayante… quand on voit les nouvelles règles qu’il impose aux habitants de Kraftsville.
Publié pour la première fois en 1976, Arslan est l’œuvre la plus connue de l’auteure américaine M.J. Engh (elle a signé un autre roman de science-fiction remarqué : Rainbow Man). Terriblement dérangeant, aujourd’hui considéré comme un classique intemporel, Arslan continue, quarante ans après sa première publication, de susciter de violentes polémiques.
mon avis
Paru en 1976 Arslan est réédité chez Denoël et traduit par Jacques Collin en 2016. Quarante ans après sa sortie le roman résonne étrangement avec certains aspects de l’actualité. Un contexte aussi flou qu’improbable permet à un obscur dictateur de prendre le contrôle des plus grandes armées du monde. C’est dans un état d’hébétude totale que les habitants de Kraftsville vont subir la domination de cet insolite envahisseur. Car si Arslan envahit les États-Unis, il envahit plus particulièrement Kraftsville, ainsi que chaque foyer, en y imposant la présence d’un soldat. Le viol semble être la méthode favorite d’Aslan, à tous les niveaux de la société. Il s’insinue dans l’intimité des foyers, mais aussi des corps.
La mise en bouche est pour le moins violente, voire abjecte. Que faire face à un envahisseur qui viole en public deux adolescents, sous la menace des armes ? La population n’a d’autres choix que de faire profil bas, et attendre que cela passe. Le ton est donné, les habitants devront se plier aux exigences de l’envahisseur, à moins d’assumer des représailles sanglantes. Kraftsville se retrouve sous occupation, sans avoir rien vu venir, ayant vaguement entendu parler de cet Arslan, mais sans y avoir prêté attention. L’effet de surprise est donc total.
Une narration inégale
L’autrice nous propose les points de vue du principal du lycée, Franklin L.Bond, forcé d’héberger Arslan, et de Hunt Morgan, jeune victime de ce dernier, devenu son esclave sexuel. Le récit de Bond est précis, chronologique, il relate les événements depuis l’arrivée d’Arslan et l’évolution de la société sous son emprise. Arslan est dépeint comme une brute éduquée, un tyran intelligent adepte du viol, physique aussi bien que moral. Bond feint de collaborer pour limiter les dégats, tout en œuvrant en arrière-plan. Plus ou moins.
Le récit de Hunt est quant à lui plus confus, chaotique, on a du mal à cerner son cheminement personnel. Je me suis difficilement intéressée à ces chapitres-là, malgré quelques débuts d’explication concernant la prise de pouvoir par Arslan. Je les ai trouvés très pénibles à lire, constrastant avec la précision des faits rapportés par Bond. On perçoit l’ambiguité des sentiments de Hunt envers son tortionnaire, mais le lecteur reste aussi perdu que lui. Beaucoup de bavardages et de répétitions qui à mon sens n’ont fait qu’enliser l’intrigue et rompre le rythme, alors que manifestement le but était tout autre. Le récit de Hunt n’en est pas moins dérangeant, dévoilant une victime détruite en proie à de violents sentiments contradictoires.
Une réputation désormais établie, et la menace permanente qui règne sur la vie de chacun permettent au général de mettre en place son plan. Au fil des années celui-ci prend forme, la vie suit son nouveau cours à Kraftsville, et, pendant de longues périodes, sans la présence d’Arslan. Ce dernier a laissé son aura sur son passage, une fascination mêlée de peur, entretenant ainsi une improbable et effrayante inaction de la part des habitants. Le seule tentative de révolte fait peine à lire.
Ambiance d’apocalypse
Les années passent, le criminel de guerre, pervers et cruel, dévoile des aspects de sa personnalité, qui le rendraient presque sympathique. Certes, le pire des monstres peut avoir des qualités, néanmoins, cela ne devrait pas faire oublier les crimes commis. Or, il s’agit ici du cœur du roman, un homme terrorise et décime une population, et cette dernière sombre dans une inertie de moins en moins compréhensible. Trop occupés à survivre et à reconstruire une civilisation selon les critères d’Arslan, les gens semblent avoir oublié ses crimes et finissent par l’accepter. Après tout, le monde est à la dérive, la civilisation connaît sans doute ses dernières années, l’extinction est proche. Arslan semble ainsi bénéficier d’une impunité inconcevable par le lecteur, révoltante et contre-nature.
Glauque, sordide, désespérante, l’ambiance du roman est plutôt malsaine d’un bout à l’autre. Sans les digressions chaotiques de Hunt, mon intéret n’aurait pas faibli, mais l’ennui m’a saisie à ce moment-là et ne m’a presque plus quittée. La sitution finale est d’autant plus crispante que le rythme a été brisé juste avant, rendant le tout un peu bancal à mon sens et perdant ainsi de sa force.
Un roman intéressant malgré ses défauts, des personnages forts et complexes sur une atmosphère de fin du monde.
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