- Auteur : Waleed Al-Husseini
- Ma note :
- Lu : septembre 2015
À 25 ans, Waleed Al-Husseini est un homme libre, et cette liberté, il en a payé le prix.
En 2010, il est le premier Palestinien d’origine musulmane incarcéré en Cisjordanie pour avoir rejeté l’Islam. Sur internet, seul espace de liberté, l’adolescent dénonçait les ressorts rétrogrades, violents et misogynes des textes coraniques et la pratique des religieux.
Mais on ne quitte pas l’Islam. L’Autorité palestinienne, qui se déclare pourtant laïque, en fait son ennemi public numéro un et l’arrête pour outrage à la religion. Commence alors un long et douloureux séjour dans les prisons palestiniennes, où il subit des tortures psychologiques et physiques. Il parviendra finalement à en sortir grâce à des soutiens internationaux, et trouvera asile en France.
Témoignage poignant, Blasphémateur ! offre le regard inédit d’un citoyen palestinien sur son propre Etat, paralysé selon lui par les conflits internes, la collusion des pouvoirs, la prégnance du religieux. C’est aussi le plaidoyer enflammé d’un homme déterminé à se battre pour la liberté de penser. Un homme des Lumières.
Mon avis
Je suis la page Facebook de Waleed Al-Husseini depuis un moment déjà, il était donc temps que je lise son livre.
Il y aurait un tas de choses à dire sur le sujet, mais comme nous sommes sur un blog de lecture, et non sur un blog politico-socio-machin, je me contenterai de parler du contenu et du propos de l’auteur. Ce dernier est un jeune Palestinien exilé, réfugié politique en France depuis qu’il a déclaré son athéisme.
Emprisonné et torturé pendant dix mois pour avoir publié ses doutes, ses interrogations et ses réflexions au sujet de l’Islam et de sa foi sur plusieurs blogs, Al-Husseini est pourtant né dans une famille musulmane, a grandi avec la foi musulmane, jusqu’à ce qu’il se pose des questions sur le bien-fondé d’une religion qu’il estime totalement en désaccord avec les valeurs humanistes pourtant transmises par ses parents. Adolescent, il s’est donc mis à lire attentivement le Coran, à le décortiquer, à étudier les commentaires à son sujet, à apprendre l’Histoire, et comprendre ses fondements et son propos intrinsèque. Ses questionnements et ses recherches l’ont mené au bout de six ans à rejeter la foi et à devenir athée. Il détaille son cheminement et les raisons qui l’ont mené à ce revirement, incompris par ses parents, très croyants, mais, heureusement toujours accepté par eux. Il décrit l’Islam comme une religion manipulatrice, destructrice, politique, qui fait force de loi même dans son propre pays pourtant supposé laïc. Laïcité purement théorique d’ailleurs, comme il l’explique si bien dans son récit, et à laquelle il doit son exil.
Lorsque la religion s’immisce dans le quotidien, que tout est réglé, réglementé par et pour la religion, la laïcité et la liberté de penser/critiquer/questionner ne sont que de vagues concepts qu’il faut absolument rejeter. Quiconque aura la faiblesse de douter et de s’instruire subira au mieux, l’opprobre et le rejet social, au pire, la mort. L’auteur explique également à quel point la religion fait un rejet systématique du progrès et de la science, dès lors qu’ils sont en contradiction avec le texte sacré, en occultant des faits, et en évoquant plutôt « les miracles scientifiques du Coran », qui seraient des faits scientifiques décrits dans le Coran. Selon lui, de nombreux penseurs, philosophes, et scientifiques arabes ont été délibérément évincés de l’Histoire, afin de maintenir « le peuple élu » (oui, lui aussi !) dans l’ignorance, l’inculture, et la soumission à un Dieu violent et destructeur. Tout cela fait bien évidemment penser à n’importe quelle autre religion, mais en l’occurrence il parle de celle qu’il connaît le mieux et qui de nos jours continue de maintenir ses ouailles dans un obscurantisme persistant, régissant la vie politique, et se mêlant de tous les aspects de la vie sociale, privée, intime, spirituelle et morale de l’individu.
Le discours d’Al-Husseini n’est pas celui d’un spécialiste du sujet, et s’il n’est ni historien, ni philosophe, ni théologien, il a néanmoins le mérite incontestable d’avoir vécu la chose de l’intérieur, de s’être penché sur le sujet, de s’être posé des questions, de s’être éloigné d’un dogme dans lequel il a pourtant grandi, d’avoir cherché à comprendre et de l’avoir fait savoir. J’espère que nous n’aurons pas à voir ses propos récupérés par les extrémistes de tout poil, car son athéisme militant et son combat pour la laïcité pourraient semer la confusion chez les esprits les plus étriqués. Mais comme il le souligne lui-même, son principal combat reste la liberté d’expression et la sauvegarde de la laïcité, et sa non-croyance est tout autant un droit que le droit à la croyance, du moment qu’elle n’interfère pas avec l’état et le droit.
Régulièrement, de nombreux blogueurs de pays musulmans et qui se déclarent ouvertement athées sont lynchés, assassinés, battus à mort pour avoir exprimé leurs idées. Malgré son emprisonnement et les sévices endurés, Waleed Al-Husseini fait partie des « chanceux » qui ont échappé à la mort. Condamné durant son exil à sept ans et demi de prison, certains de ses compatriotes en appel à la peine de mort. Un témoignage indispensable, à prendre pour ce qu’il est, le récit d’un jeune homme curieux épris de liberté et de savoir qui nous livre son parcours improbable dans un contexte religieux dominant.
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