- Auteur : Kate Colquhoun
- Ma note :
- Lu : novembre 2014
Liverpool, le 11 mai 1889. James Maybrick succombe à une maladie dont les médecins ne savent déterminer la nature ni la cause. Florence, sa jeune épouse américaine, est immédiatement soupçonnée de l’avoir empoisonné à l’arsenic. Mais cette substance est aussi l’ingrédient majeur des remèdes et toniques consommés par son mari depuis sa jeunesse…
Florence est accusée de meurtre et appelée à comparaître. Férocement débattue au tribunal et relayée en « une » des principaux journaux, cette affaire riche en rebondissements et en polémiques a retenu l’attention de la population pendant des mois.
À travers la reconstitution d’un fait divers retentissant, Kate Colquhoun analyse avec une grande finesse les paradoxes et dilemmes qui marquèrent la société anglaise de la fin de l’ère victorienne.
Mon avis
Je ne connaissais pas Kate Colquhoun, mais j’avais lu et beaucoup aimé L’affaire de Road Hill House, de Kate Summerscale, dans le même genre.
Nous avons là un fait divers survenu à Liverpool en 1889 : une jeune Américaine est accusée d’avoir empoisonné son mari Anglais à l’arsenic.
L’auteur a manifestement accompli un énorme travail de documentation afin de relater ce fait divers victorien. Du romanesque, nous en avons bien peu, juste assez pour rendre le récit non seulement digeste, mais passionnant ! Sans rien oublier des faits, l’auteur nous les raconte en reconstruisant minutieusement le contexte social et historique.
Le mariage de Florence et James Maybrick est un mariage en apparence heureux, et le couple s’efforce de répondre aux attentes de ses contemporains en assumant leur place dans la bonne société victorienne. Très vite, nous comprenons que les apparences sont trompeuses, et que le poids des conventions pèse lourd dans la vie de Florence, à la fois déracinée de son pays et transplantée dans un environnement guindé, puritain et intolérant.
Le jour où James tombe malade et finit par trépasser à l’issue de quinze jours d’agonie, les soupçons se portent sur Florence.
L’auteur construit son récit autour d’une documentation phénoménale, tous les faits connus et archivés à l’époque, témoignages, articles de journaux, compte-rendus de procès, rapports de police, autant de documents qui lui ont servi à alimenter son propos, les moindres détails nous sont exposés, sans jamais tomber dans l’ennui ni le rébarbatif, la méticulosité dont fait preuve l’auteur force le respect. Aussi prenant qu’un polar, le livre approfondit également les dessous de l’ère victorienne, la condition de la femme au sein du mariage, réduite à une chose insignifiante dont le rôle principal est de procréer, de gérer une maison (je n’ose dire élever les enfants, étant donné qu’une nourrice était là pour ça !) et de faire joli en société.
La partie consacrée au procès est tout aussi passionnante que la mise en situation, certains échanges entre avocats et témoins, le parti pris du juge laissent perplexe un lecteur du XXIe siècle. Les éléments contradictoires abondent, et peuvent donner lieu à des interprétations tout aussi contradictoires, ajoutons à cela des apparences potentiellement trompeuses, des non-dits, des préjugés et une hostilité envers l’accusée, et nous avons un verdict surprenant, voire absurde et biaisé. L’importance de la presse est également primordiale, l’affaire ayant défrayé la chronique, les journaux ainsi que l’opinion publique furent divisés, voire renversés en cours de procès, et le verdict fut suivi d’une vague de protestation et de pétitions demandant l’acquittement de Florence Maybrick.
L’objectivité de l’auteur est telle qu’il est impossible de se forger une opinion dans un sens ou dans l’autre, la question demeure donc : l’a-t-elle empoisonné ?
Un gros coup de cœur pour cette intrigue qui dépasse la fiction.
Une remarque pertinente pour “L’a-t-elle empoisonné ?”
Eh bien, celui-ci je le note ! Il comporte tous les ingrédients que j’aime 🙂
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