- Auteur : Aro Sainz de la Maza
- Ma note :
- Lu : avril 2015
Un corps en flammes est retrouvé pendu au balcon d’un des monuments les plus emblématiques de Barcelone, La Pedrera, d’Antonio . Bien mauvaise publicité pour la ville à quelques semaines de la consécration par le pape de la Sagrada Familia. Les services policiers sont aux abois et réintègrent l’électron libre Milo Malart, révoqué par mesure disciplinaire. Tandis qu’il enquête en binôme avec une jeune sous-inspectrice, qui semble tout droit sortie d’une série américaine à succès, les meurtres s’enchaînent selon un rituel immuable : toujours des membres de l’oligarchie barcelonaise, férocement mutilés au sein des édifices du célèbre architecte qui fait la gloire de la ville. Barcelone a vendu son âme au diable ; elle doit payer le prix de sa magnificence.
La chasse à l’homme est ouverte, mais qui cherche-t-on ? Un prédateur sadique assoiffé de vengeance ou la victime d’un système politique arrogant et corrompu, qui sacrifie les plus fragiles au faste tapageur de la ville et à sa manne touristique ? Pour répondre, il faut d’abord décrypter le symbolisme ésotérique des œuvres de Gaudí, aux formes proprement hallucinantes.
Dans une intrigue magistralement tenue jusqu’à la dernière page, orchestrant pressions politiques, énigmes maçonniques, mœurs dissolues et presse à sensation, Le Bourreau de Gaudí plante l’envers du décor d’une cité unanimement saluée pour sa beauté et sa prouesse architecturale. Une “Ville des prodiges” terriblement moderne et effroyablement archaïque.
Mon avis
J’attendais beaucoup de ce polar, sans trop savoir pourquoi (enfin si, sans doute les critiques élogieuses lues ici et là, car on a beau vouloir les ignorer, ça donne tout de même une tendance, un espoir !), hélas, c’est tombé à plat !
Je n’ai rien retrouvé des qualités évoquées, suspens, rythme, personnages… J’ai suffisamment apprécié le début pour continuer par curiosité, mais la sauce a eu du mal à prendre, vraiment ! Je ne sais pas si la seule traduction est en cause, mais on peut déjà dire qu’à ce niveau-là il y a des soucis que je considère comme majeurs. Pléonasmes à répétitions, termes désuets, voire anachroniques, tournures de phrases étranges, la chose empire au fil de la lecture, et on a droit à plusieurs aberrations. J’ai du mal à visualiser une situation, de nos jours, où des flics emploieraient des termes tels que « sornettes », ou « calembredaines ». Maigret, sors de corps ! Je manque peut-être d’imagination, c’est possible.
Mais a-t-on le droit d’écrire :
« Il fit non avec la tête »
ou
« Il acquiesça avec la tête » ?
On peut en faire des choses avec la tête !
Lorsque le personnage de Milo déclare :
« — Malédiction, madame Conte, il est d’une importance cruciale que vous retrouviez ces documents ».
…j’ai failli en lâcher ma liseuse. J’ai des absences en espagnol, ce qui est rentré est malheureusement ressorti, mais je doute que la version originale utilise des termes aussi cucul la praline. Quand bien même, il me semble que le rôle du traducteur est aussi d’adapter, dans une certaine mesure. Quoiqu’il en soit, l’effet global reste un manque de réalisme flagrant, qui passe aussi par cet aspect-là.
Notons également quelques pléonasmes/répétitions (je n’ai commencé à les relever que tardivement, c’est bien dommage) notamment le délicieux :
« Deux à la fois, et en même temps ? »
ou le Google translated (je ne vois pas d’autre explication)
« Inspecteur Malart, vous êtes brûlé, mon vieux ».
Bon, je suis sans doute psycho-rigide, mais ce genre de trucs me défrisent.
Pour finir, je citerai ce souci de la précision :
« Cheveux longs et blonds, corps bien tourné, boitant légèrement d’une jambe ».
Heureusement, il ne boite pas du bras !
Hormis ce gros problème, la qualité des dialogues est assez fluctuantes, ils peuvent être d’une grande justesse, mais aussi très étranges et peu crédibles. Les interactions des personnages sont parfois bizarres et pas naturelles, quelque chose ne colle pas, on est colère et rage pour aussitôt prendre un ton normal la phrase suivante.
Le manque général de cohérence, qui m’a frappée tout au long de la lecture, est accentué par le personnage de Malart. Ce dernier, on le comprend vite, est un enquêteur hors-pair, à l’intuition et à l’instinct sur-développés. OK, ça me va, par contre, que ces intuitions se manifestent comme un cheveu sur la soupe, venues de nulle part, inspirées par rien, à n’importe quel moment, franchement, on tombe dans l’incohérence la plus totale. Déjà, insister sur le fait que « la graphologie n’est pas une science exacte », (dire qu’il ne s’agit pas d’une science du tout, ou même ne pas l’évoquer m’aurait paru plus sérieux), et déterminer le sexe de l’auteur de la lettre G trouvée sur les lieux du crime au bout de je ne sais combien de temps, si ça, ce n’est pas capillotracté !?
Je passerai sur les dialogues entre Milo et son binôme, où chacun joue le rôle de l’assassin présumé, en se mettant dans sa peau, jouant aux questions-réponses…On se croirait dans L’Exorciste. Le sommet du ridicule a sans doute été atteint à ce moment-là, mais j’avais déjà bien avancé dans la lecture, et la curiosité, alimentée par une intrigue laborieuse, certes, mais qui a donné lieu à une accélération et un dénouement efficaces, m’a poussée à aller au bout, même si cela ne fut pas sans douleur.
Ma patience s’est sans doute effilochée au gré des énormités, mais il m’a semblé que les choses empiraient, heureusement l’approche de la conclusion a permis au rythme de s’accélérer, mais tout de même, les trois quarts de l’histoire ont été bien laborieux, l’enquête m’a paru poussive, les personnages relativement intéressants, mais sous-exploités malgré des épanchements stériles sur celui de Milo. La trame en elle-même est plutôt bien trouvée et complexe, mais complètement noyée dans des longueurs et des ressorts sans intérêts.
Bref, trop de couacs en tous genres, beaucoup de bavardages qui n’apportent rien à l’intrigue ni au développement des personnages, trop d’incohérences et d’invraisemblances, mais une découverte de la ville de Barcelone, de Gaudí, d’un contexte intéressant malgré tout.
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