- Auteur : Sandrine Collette
- Ma note :
- Lu : février 2017
Il a suffi d’une fois. Une seule mauvaise décision, partir, suivre un homme à Paris. Moe n’avait que vingt ans. Six ans après, hagarde, épuisée, avec pour unique trésor un nourrisson qui l’accroche à la vie, elle est amenée de force dans un centre d’accueil pour déshérités, surnommé «la Casse».
La Casse, c’est une ville de miséreux logés dans des carcasses de voitures brisées et posées sur cales, des rues entières bordées d’automobiles embouties. Chaque épave est attribuée à une personne. Pour Moe, ce sera une 306 grise. Plus de sièges arrière, deux couvertures, et voilà leur logement, à elle et au petit. Un désespoir.
Et puis, au milieu de l’effondrement de sa vie, un coup de chance, enfin : dans sa ruelle, cinq femmes s’épaulent pour affronter ensemble la noirceur du quartier. Elles vont adopter Moe et son fils. Il y a là Ada, la vieille, puissante parce qu’elle sait les secrets des herbes, Jaja la guerrière, Poule la survivante, Marie-Thé la douce, et Nini, celle qui veut quand même être jolie et danser.
Leur force, c’est leur cohésion, leur entraide, leur lucidité. Si une seule y croit encore, alors il leur reste à toutes une chance de s’en sortir. Mais à quel prix?
Après le magistral Il reste la poussière, prix Landerneau Polar 2016, Sandrine Collette nous livre un roman bouleversant, planté dans le décor dantesque de la Casse.
Mon avis
Voici le dernier Sandrine Collette, aux éditions Denoël, très attendu depuis ma lecture de ses précédents romans tous lus à la suite d’un trait cul-sec !
Collette nous replonge dans une sale ambiance de fin du monde, dans un futur assez proche où la crise est à son paroxysme, où la société en est réduite à parquer les pauvres dans des bidonvilles constitués de carcasses de voitures. Et ce, en toute légalité. Cachez ce pauvre que je ne saurais voir ! Des gardiens, des lois internes, de la violence, des conditions inatteignables pour avoir le droit de quitter le lieu, la Casse s’apparente plus à une prison qu’à un centre d’accueil, mais la société n’a rien trouvé de mieux pour empêcher les plus démunis de coûter un peu plus d’argent. Ils sont donc enfermés là, destinés à travailler dans les champs pour 2 euros par jour, sous peine de mourir de faim faute d’argent pour se nourrir. Un travail ingrat, payé une misère, un univers fermé sur lui-même et isolé du reste du monde, le contexte est abominable, et témoigne d’une société en perdition totale. L’auteur aurait pu développer cet aspect mais elle s’est concentrée sur les rapports humains qui peuvent découler de telles circonstances.
Nous avons donc Moe et son petit, arrivés au bout du chemin après une succession de choix malheureux. Moe est encore jeune, mais sa naïveté et son innocence maladive ont déjà laissé leur marque. Échouée dans ce lieu aussi immonde que désespérant, Moe en apprend peu à peu les règles, le quotidien fait d’insécurité, de travail éreintant, l’approvisionnement hebdomadaire à l’épicerie, la faim, l’angoisse. Mais sous l’aile de la vieille Ada et de ses protégées, Moe reçoit enfin l’affection, le soutien et la compassion qui lui ont fait défaut si longtemps. Coincée dans cette Casse pour des encore années, elle commence à caresser l’idée fixe d’en sortir. Entre espoir, sacrifice, déconvenue et trahison, la vie devient pour Moe un vrai défi constant, encore et toujours fait de choix.
L’auteur met l’accent sur les relations entre ces femmes, perdues dans une misère sans fond, mais qui tiennent bon grâce à leur bienveillance, car dans la cour d’Ada on se soutient, on se protège mutuellement, on partage tout, pour s’en sortir, pour rester en vie. Celle-ci ne tient qu’à un fil, il en faut peu pour passer de l’autre côté et faire le mauvais choix, au mauvais moment. Moe, cette éternelle ingénue, cette mère désespérée le sait bien, mais son désir de partir est plus fort.
L’atmosphère de fin du monde et de misère est parfaitement rendue, si bien que par moment la lecture s’avère parfois un peu déprimante. Sandrine Collette nous montre une humanité ambivalente, à la fois au mieux de sa forme, mais aussi dans sa pire expression. Les personnages sont attachants, fouillés, dépeints avec réalisme et finesse.
J’ai été un peu plus marquée par Il reste la poussière (le contexte, l’ambiance, le sujet ?), néanmoins Les larmes sur la terre est une réussite totale, tout aussi bouleversante. L’auteur a réussi son coup, ce qui selon moi, après Il reste la poussière, n’était pas une mince affaire.
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