- Auteur : Sandrine Collette
- Ma note :
- Lu : mai 2016
Avril 2011. Dans la cave d’une ferme miteuse, au creux d’une vallée isolée couverte d’une forêt dense, un homme est enchaîné. Théo, quarante ans, a été capturé par deux frères, deux vieillards qui ont fait de lui leur esclave.
Comment a-t-il basculé dans cet univers au bord de la démence ? Il n’a pourtant rien d’une proie facile : athlétique et brutal, Théo sortait de prison quand ces vieux fous l’ont piégé au fond des bois. Les ennuis, il en a vu d’autres. Alors, allongé contre les pierres suintantes de la cave, battu, privé d’eau et de nourriture, il refuse de croire à ce cauchemar. Il a résisté à la prison, il se jure d’échapper à ses geôliers.
Mon avis
Ces temps-ci, j’enchaîne les heureuses découvertes. Si cette année j’avais peur de ne rien lire de mieux ou d’aussi bien que Nous rêvions juste de liberté, le nombre de trouvailles et leur niveau de qualité compensent largement.
Je connais Sandrine Collette de nom et de réputation depuis un moment, et sa présence annoncée à la Comédie du Livre m’incite ENFIN à passer à l’acte.
Théo a massacré son frère et l’a laissé à l’état de légume. À sa sortie de prison, il ne regrette rien, bien au contraire. Ce presque fratricide devrait nous semblait antipathique, mais c’est compter sans le talent de l’auteur pour développer son personnage, qui a bien des raisons d’avoir pété le plombs. La violence de l’acte n’est « presque » rien comparée à sa situation d’esclave, enfermé dans une cave, à la merci de ces deux vieux dégénérés. Son profil psychologique est parfaitement ciselé, son passé et sa place au sein de sa fratrie donne un sens à ses actes et à son comportement en tant que séquestré, soumis corps et âme au bon vouloir de ses geôliers. Ces derniers sont délicieusement abominables, de belles brutes, primaires et humainement limitées.
Le récit, du point de Théo, est saisissant, on vit avec lui sa déchéance physique et morale. L’empathie est inévitable, même pour un personnage capable d’une grande violence et sans le moindre remords. Le cheminement personnel de Théo est complexe, entre désespoir, soumission, terreur et volonté de vivre malgré tout. Les rapports qu’il entretient avec ses tortionnaires est ambigu, pervers, on flirte avec le syndrome de Stockholm, plus ou moins feint, car Théo sait être diplomate, parfois. La tension est à son sommet tout le long du roman, pas de temps mort, pas de répit, ni pour Théo ni pour le lecteur.
Le style de Collette est très élaboré sans être complexe ou pompeux, c’est recherché, littéraire juste ce qu’il faut pour sortir du lot et ajouter de la puissance au récit, la forme sert le propos : très noir, désespérant, glauque, fataliste. Bien que la situation décrite ici soit extrême (n’oublions pas qu’il s’agit d’un roman), l’ bel et bien, et parfois sous nos yeux, mais on ne le voit pas, car trop discret et impensable !
Sandrine Collette nous propose un roman percutant, intense, profond, au style recherché et efficace. Une formidable découverte !
Les commentaires sont désormais fermés.
Pour la suite de mes lectures et autres déviances,
cela se passe désormais sur Okenwillow.