- Auteur : Dan Simmons
- Ma note :
- Lu : juillet 2015
Ils ont le Talent.
Ils ont la capacité de pénétrer dans notre esprit pour nous transformer en marionnettes au service de leurs perversions et de leur appétit de pouvoir. Ils tirent les ficelles de l’histoire. Sans eux le nazisme n’aurait peut-être jamais existé, et nombre de flambées de violence, tueries, accidents inexpliqués n’auraient peut-être pas ensanglanté notre époque. Car ils se livrent aussi entre eux une guerre sans merci, selon des règles empruntées à celles des échecs.
Ce sont des vampires psychiques.
L’humanité entière ne constitue pour eux qu’un gigantesque terrain de jeu, propre à satisfaire leur irrépressible soif de pouvoir et de destruction.
Mais peut-être ce jeu est-il allé trop loin. Car vient un temps où toute victime finit par se rebeller.
Mon avis
L’Échiquier du mal, un livre sur ma PAL depuis au moins…très longtemps ! Après Hypérion, je me devais de poursuivre ma découverte de l’œuvre polymorphe de Simmons. Avec ce roman, le lecteur en a pour son argent : thriller, espionnage, histoire, horreur, vampire, guerre, psychologie, tout y est.
Le vampirisme revisité par Simmons, ce n’est pas de la rigolade. L’auteur a opté pour le vampirisme psychique, plus sournois, plus vicieux, et paradoxalement plus propice aux scènes d’horreur. Le vampire de Simmons ne se salit pas les mains, il exerce son Talent avec distinction, et propage abominations, tragédies et autres affreusetés. Son manque absolu de compassion, d’empathie et d’humanité le rend aussi effrayant que fascinant. Il explore le psychisme de ses victimes avec une curiosité scientifique, et les transforme du même coup en êtres zombifiés dépourvus de volonté. N’ayant pas de limite morale, les méfaits de cette sale engeance sont retors, inattendus. Impliqués dans des événements ayant marqué l’Histoire, et en ayant d’ailleurs provoqué quelques uns, ces vampires-là sont parfois haut-placés, ce qui donne des airs de théorie complotiste au roman.
L’arrière-plan historique bien documenté ajoute une touche de réalisme qui glace le sang, et la persévérance de Saul Laski dans sa recherche de l’Oberst en dit long sur son traumatisme en plein milieu de la tragédie de la guerre et des camps de concentration. C’est de l’horreur au carré. L’humain, déjà réduit à du bétail qu’on élimine, est également utilisé comme objet de divertissements barbares, sa volonté annihilée. Lorsque la quête de Saul aboutit, commence alors une suite de péripéties et de rebondissements, avec la rencontre de deux personnages clés, Nathalie Preston et Bobby Joe Gentry. Le découpage et la construction du récit permettent d’entretenir un suspens permanent, nous passons d’un lieu à l’autre pour suivre des actions plus ou moins simultanées et sans temps mort. Les personnages des vampires, sont délicieusement exécrables, dotés du Talent, ce sont des manipulateurs hors-norme, qui n’ont aucun scrupule à s’affronter par le biais de pions humains qu’ils n’hésitent pas non plus à sacrifier sur leur partie d’échec grandeur nature. Portée à son paroxysme, la manipulation atteint ainsi toutes les strates de la société, tous les domaines, tous les milieux. Ces vampires ne font que symboliser une manipulation des masses déjà existante, élevée à un niveau particulièrement pervers. Religion, showbiz, politique, ils sont partout et nous manipulent ! Ces quelques créatures peuvent décider du sort du monde, pour leur plaisir personnel et immédiat, sans la moindre considération pour le reste de l’Humanité, réduite à des pions sur un échiquier géant.
L’échiquier du mal est un roman-fleuve dense, haletant, à l’action omniprésente, avec des vampires d’un genre nouveau et pas très glamour, certes, mais d’une rare cruauté. Que ce soit sur le fond ou la forme, ce roman est aussi riche que complexe, et permet plusieurs degrés de lecture. Pas aussi transcendant qu’Hypérion, mais peu s’en faut.
Les commentaires sont désormais fermés.
Pour la suite de mes lectures et autres déviances,
cela se passe désormais sur Okenwillow.