- Auteur : Andrew Michael Hurley
- Ma note :
- Lu : août 2016
Angleterre, années soixante-dix. Comme tous les ans au moment des vacances de Pâques, la famille Smith part en pèlerinage avec quelques membres de sa paroisse. Ils se rendent dans une vieille bâtisse sinistre en bord de mer, sous la houlette d’un prêtre, le père Wilfred. Les Smith, des gens très pieux, espèrent en venant là obtenir la guérison de leur aîné, Andrew, déficient mental. Andrew, lui, part explorer les environs du sanctuaire avec son jeune frère. Au cours de leurs escapades, ils font la connaissance des villageois, qui ne cachent pas leur hostilité à l’égard des pèlerins et semblent se livrer à d’obscures activités nocturnes, sortes de rites païens censés guérir les malades. Andrew Michael Hurley dresse une galerie de portraits tous aussi étranges et effrayants les uns que les autres, mélangeant de sinistres autochtones et des pèlerins aussi perturbés que perturbants, et signe ici un roman obsédant et ambigu.
Mon avis
Un titre affriolant, une couverture engageante, un auteur anglais, une quatrième alléchante, que dire d’autre ? À partir de là il ne reste plus qu’à se jeter dans la lecture de ce joyeux roman à l’ambiance suintante et glaciale. Cela pourra en rebuter plus d’un mais moi j’aime ça, le suintant et le glacial, surtout dans ce contexte de village paumé dans la lande près de la mer avec la marée vicieuse qui vous surprend à travers la brume. Ajoutons un peu de pluie, et même beaucoup, et là moi, je suis à fond dedans.
L’auteur plante un décor lugubre comme je les aime et des personnages tordus à souhait. Le contexte est déjà bien rébarbatif (pour moi, c’est un point positif), une famille de bigots part en pèlerinage pascal dans l’espoir de voir Dieu guérir leur fils mentalement différent. Les Smith, le prêtre et les autres pèlerins s’isolent donc dans une masure à l’embouchure d’une rivière rendue dangereuse et meurtrière par la marée, le temps de Pâques, observant scrupuleusement les « recommandations » que leur croyance leur impose. L’environnement est minutieusement décrit, l’atmosphère est presque un personnage à part entière dans ce roman noir à tendance gothique. Les paysages subtilement dépeints ajoutent au réalisme du récit de même que les personnages, très crédibles, et les dialogues qui sonnent tellement justes. Le fanatisme de la mère Smith confine à l’hystérie, mais n’en est pas moins dénué d’hypocrisie. Une hypocrisie qui se manifeste également chez les autres protagonistes, de manières différentes mais tout aussi écœurantes. On ne sait pas si l’on doit rire ou se sentir désolé devant tant de désespoir et d’aveuglement.
La tension est palpable tout au long du roman, entre les personnages venus en retraite, entre eux et les éléments ou les gens du coin, un peu rustres et vaguement hostiles, les événements et imprévus qui remettent en cause l’organisation de leur séjour, etc. Une tension qui laisse supposer un dénouement assez violent et soudain. Or, si la conclusion nous offre son lot de réponses, elle est loin d’être spectaculaire, du moins pas dans le sens où le lecteur pourrait l’entendre. Si elle est spectaculaire pour les Smith et leurs acolytes, le vrai dénouement reste en grande partie mystérieux, l’auteur se contente de suggérer, laissant le lecteur tirer ses propres conclusions. Si tout parait tout de même assez clair sur les dernières pages, rien n’est vraiment explicite, le non-dit demeure jusqu’au bout.
Religion, folklore, superstitions, rejet de la différence, des thèmes forts savamment exploités dans un cadre où la tension monte sans jamais exploser vraiment, car Hurley ne montre pas, il suggère, et la puissance d’évocation de son écriture fait toute la force de ce récit qui baigne dans une folie retenue mais bien présente du début à la fin.
Les commentaires sont désormais fermés.
Pour la suite de mes lectures et autres déviances,
cela se passe désormais sur Ma Grosse PàL.