- Auteur : James Lasdun
- Ma note :
- Lu : avril 2017
Imaginez un cadre de rêve : une luxueuse résidence d’été au milieu des montagnes.
Placez-y un trio de personnages troubles : Charlie, un riche banquier new-yorkais, sa femme Chloe et Matthew, le cousin de Charlie, un cuisinier dont l’existence part un peu à la dérive.
Le décor est posé, les pièces sur l’échiquier. En dire plus serait criminel.
Passion, drame, trahison, adultère, meurtre : rien ne manquera à votre plaisir.
Avec cette peinture d’un couple bourgeois qui, sous des apparences parfaites, recèle bien des secrets et des mensonges, James Lasdun évoque à la fois les univers de Françoise Sagan, de Claude Chabrol et de Patricia Highsmith. Autant dire que le suspense, l’intelligence et le plaisir sont au rendez-vous de ce roman aux rebondissements multiples, où chacun est à la fois coupable et victime de sa nature profonde. Un délice.
Mon avis
La référence à Sagan ou Highsmith n’a eu aucune influence sur mon choix de lecture, je n’ai lu ni l’une ni l’autre. Pas plus que celle à Chabrol, dont j’ai sans doute vu des films il y a longtemps, mais dont je serais bien incapable de dire lesquels. Outre la quatrième intrigante, c’est la citation de Joyce Carol Oates qui a fini de me convaincre.
Je ne me fie généralement pas à ce genre de citation d’auteur célèbre, mais là, j’avais envie de voir.
Alors donc, fallait-il faire confiance à JCO ? Eh bien OUI ! L’auteur nous propose un presque huis-clos où les trois personnages entretiennent une bien étrange relation. Charlie, le banquier, riche et beau, invite son cousin Matthew dans sa maison de vacances. Ce dernier, chef de profession mais en perdition totale, voue une grande admiration à son cousin, et une folle affection à sa femme Chloe. Du moins, c’est ce que l’on croit, c’est ce que Matthew croit. Les choses sont plus complexes, le passé commun de Charlie et Matthew, leur séparation puis leurs retrouvailles ont donné lieu à une relation des plus ambiguë, mal définie, faite de faux semblants, de non-dits et d’amitié superficielle. Les rapports entre les deux cousins sont amicaux, mais l’on comprend peu à peu le côté malsain au fil du récit, de même que la relation entre Chloe et Matthew se révèle en filigrane. Ne cherchez pas ici des effets de manche, des coups de théâtre spectaculaires ou des scènes tape-à-l’œil, l’intrigue de déroule au rythme lancinant et suintant de l’été, la chaleur engourdit les corps, le doute et la suspicion s’insinuent dans les esprits. L’état mental de Matthew évolue à son rythme et l’histoire se développe autour de son humeur et de ses questionnements. Roman d’ambiance, où l’atmosphère estivale et légère contraste avec la tension psychologique des personnages. Ceux-ci jouent tous un rôle, mais n’en ont pas forcément conscience.
L’auteur s’attache à développer les profils psychologiques de ses personnages, il les dépeint avec précision, réalisme et profondeur, le tout avec un grand raffinement. Il ne s’agit pas d’un thriller haletant au rythme endiablé, le suspens réside dans l’évolution morale et mentale des protagonistes. Le meurtre annoncé n’a rien de grandiloquent, son traitement est d’ailleurs très étonnant, voire carrément osé. La réaction des uns et des autres est très réaliste, presque plus importante que le meurtre lui-même, tandis que le coupable, dans sa bulle, poursuit son cheminement intérieur.
L’intrigue en elle-même est relativement basique, il ne se passe pas grand-chose tandis que les personnages évoluent entre eux, suivant des conventions sociales bien établies, mais ils évoluent aussi intérieurement, faisant prendre à une situation banale un virage irrémédiable, dans une direction à laquelle on devait fatalement s’attendre, une fois que l’on a tous les éléments sous les yeux. « Et ce qui devait arriver, arriva ! » Car quand on croit savoir ce que pense l’autre, et qu’on réalise qu’on se trompe, la chute est rude. Chacun est le dupe de l’autre, chacun se voit et voit l’autre à sa manière, biaisée par des faux-semblants, des a priori, jusqu’au jour où un élément extérieur, dans une situation donnée, va jouer le grain de sable dans un mécanisme routinier.
Tout l’intérêt de ce roman réside dans la façon dont tout s’enchaîne, lentement, sournoisement, imperceptiblement mais sûrement. La description et le réalisme des sentiments et des relations entre les personnages sont saisissants, ce trio pourrait être n’importe qui, même si l’épisode du meurtre et l’issue restent hors norme.
2 remarques pertinentes pour “La chambre d’ami”
J’étais déjà tentée, je le suis encore davantage !
Alors tant mieux !! 🙂 Car j’ai l’impression que peu de monde a apprécié ce roman, les retours sont très mitigés, et c’est bien dommage 🙁
Les commentaires sont désormais fermés.
Pour la suite de mes lectures et autres déviances,
cela se passe désormais sur Ma Grosse PàL.