- Auteur : Anne-Catherine Blanc
- Ma note :
- Lu : Décembre 2009
Moana, c’est le bleu absolu que prend l’océan quand le regard plonge vers l’abysse, vers le vertige sans fond qui s’ouvre au-delà du lagon, passé le récif-barrière. Moana, c’est la matière bleue, à la fois aussi présente au plongeur que sa conscience et aussi désespérément fuyante, aérienne et douloureuse.
Plonger dans le bleu, c’est la petite mort, le renoncement à l’être. C’est devenir soi-même, pour quelques instants d’éternité, onde traversée d’ondes, corps liquide et bleu. C’est perdre d’un seul coup les repères qui rassuraient. Le regard se noie dans le bleu, se voile au bord du vertige et se détourne en hâte vers la mosaïque familière du tombant ou le miroir brisé de la surface. Remontée hâtive, comme si le plongeur venait d’échapper à un risque. À la tentation de son propre gouffre.
Au-delà du moana le bleu devient noir. C’est ‘ere’ere, le bleu noir qui précède les ténèbres. ‘Ere’ere signifie aussi hématome. C’est la couleur des chairs meurtries, éclatées sous la pression, quand le gouffre recrache l’enveloppe. Quand le plongeur s’est uni à l’océan en se fondant à la matière, enfin apaisé, lui-même liquide et bleu.
Moana, c’est aussi un prénom.
Mon avis
J’ai récemment été bien remuée et épatée par L’astronome aveugle du même auteur, là, je suis carrément envoûtée. Le genre introspectif n’est pas spécialement ma tasse de thé, et pourtant là de l’introspection, on en a !
Le récit démarre en début de journée, aux aurores, dans l’atmosphère moite et suffocante de la Polynésie. Le narrateur, dont l’esprit s’éparpille savamment entre monologue et déclarations à ses proches, s’apprête à enterrer son beau-fils, adolescent amateur de surf et de plongée. On découvre au fil de la journée les questionnements de Paulot, qui se remet sans cesse en cause et nous restitue du même coup de multiples informations qui nous en apprennent beaucoup sur son univers, son passé, sa vie de famille. Le personnage de Paulot inspire une empathie totale, le style sec et viril de l’auteur colle parfaitement au personnage, ancien prof reconverti en chef d’entreprise. Paulot est visiblement un individu sensible, fragile, et son langage contraste avec son état émotionnel qui tout au long de l’histoire reste en suspens, car Paulot fait office de figurant, n’étant « que le beau-père », originaire de métropole de surcroit, et qui cherche sa place dans ce terrible deuil, osant à peine exprimer son chagrin.
Une construction habile et originale, un style jubilatoire, très masculin, une histoire touchante (euphémisme !), une montée en puissance de l’émotion subtilement dosée, pour un final d’une rare sensibilité et d’une force peu commune. Je suis parfois touchée par certaines lectures très émouvantes mais je l’ai rarement été à ce point-là. L’astronome aveugle apportait son lot d’émotion mais celle-ci se situait dans la beauté poétique du propos, tandis qu’avec Moana Blues l’émotion est plus viscérale, plus profonde, plus personnelle. Je pense que la dernière fois que j’ai été remuée de la sorte c’est en terminant Pêcheurs d’Islande de Pierre Loti.
La symbolique du moana, de la profondeur des mers à l’immensité du ciel, un voyage à travers l’humain dans toute sa complexe immensité.
12 remarques pertinentes pour “Moana blues”
J'ai l'impression que l'auteur est à découvrir !
.-= Le dernier billet de Stephie : Billard Blues de Maxence Fermine =-.
J'ai déjà prévu de faire une descente chez mon libraire demain avec, dans ma liste, justement L'astronome aveugle. J'ai bien envie de noter aussi Moana Blues !
.-= Le dernier billet de Marie : Le club des incorrigibles optimistes – Jean-Michel Guenassia =-.
@Stephie : tu as TOUT compris !
@Marie : les deux sont incontournables, chacun dans leur genre 🙂
C'est votre critique qui m'a incitée à commander Moana blues et je vous en remercie car, à priori, le thème ne me tentait pas .
J'avais adoré L'astronome aveugle, ce joli conte lumineux et apaisant à l'écriture légère et élégante, mais là, je suis vraiment touchée et impressionnée par la puissance et la maîtrise de ce roman !
Anne-Catherine Blanc fait preuve en effet d'une grande habileté narrative.
Les heures et les minutes s'égrènent dans ce récit linéaire d'une seule journée – scandé par douze chapitres menant à l'enterrement de l'adolescent – où le temps resserré semble s'enfoncer plus qu'il n'avance. On plonge dans le gouffre de Paulot, dans "sa part nocturne".
L'auteure qui opte au départ pour un narrateur extérieur omniscient s'implique très vite en apostrophant le héros comme pour l'inciter à se livrer et ce récit se termine comme une confession du héros, aveu nécessaire à sa rédemption..
Quant à l' écriture, elle est surprenante car elle associe une langue directe,simple et familière, "virile" même, vous avez raison, – bien différente de celle de L'astronome aveugle – à une écriture plus fluide et poétique.
Un roman intense et émouvant porté par une écriture forte .
Aussi beau et fort que L'astronome aveugle en effet, mais dans un tout autre style/genre. Inoubliable !
Je me permets au passage de faire un rappel sur les conditions d'utilisation de ce blog et de son contenu : http://lectures.madamecharlotte.com/credits/
Merci d'en tenir compte 😐
J'avoue ne pas comprendre votre rappel à l'ordre.
Je n'ai pas le sentiment d'avoir enfreint la "Nethique" en laissant ce commentaire sur votre blog et vous serais reconnaissante de vous montrer plus explicite.
.-= Le dernier billet de ECaminade : "Casaluna", de Joël Bastard =-.
Concernant l'usage des photos 🙂
Celle d'Anne-Catherine Blanc plus précisément, reprise sur votre blog sans autorisation.
Un crédit, à défaut d'une demande par mail aurait fait l'affaire je pense 😉
Désolée, mais j'ignorais que cette photo était la vôtre.
La mention du blog dont est tirée une photo indique rarement que le blogueur en est l'auteur et la formule "l'image peut être soumise à droits d'auteur", dans son flou ,ne facilite guère la tâche…
J'avoue , de ce fait , ne pas m'embarrasser de scrupules, n'utilisant pas les photos prises sur Google à des fins commerciales et ne m'en attribuant jamais la paternité .
D'accord, ce n'est pas très pro, mais je ne dois pas être la seule dans ce cas.
Je me montrerai désormais plus prudente, du moins si la photo vient de votre blog !
P.S. : Je vais , de ce pas, mentionner l'origine de cette photo sur mon blog et dans les forums où je l'ai utilisée.
Merci 🙂
Attention, il faut être prudent avec TOUS les blogs, pas seulement avec le mien.
J'indique clairement ce qu'il en est des contenus de mon blog sur cette page justement : http://lectures.madamecharlotte.com/credits/
Les textes et les images sont soumis aux mêmes conditions d'utilisation par défaut : on ne prend pas sans demander, c'est aussi simple que ça.
Cela dit, il est vrai que les photos d'auteurs en particulier sont plus ou moins prises et reprises partout car elles sont précisément faites pour cet usage et sont comme qui dirait "officielles". 😆
Touchant, prenant, remuant. Très beau. Un livre qui je pense restera longtemps en mémoire.
je suis en train de le lire et je suis, comme toi, sous le charme. J'ai un collègue qui vient de Polynésie et j'y retrouve ses expressions comme je suis "fiu". ça me fait sourire en cours de lecture. pour le reste les mots sont tellement bien trouvés pour dépeindre le désarroi et la tristesse de cet homme qui se retourne sur sa vie… j'adore.
Petite info: un recueil de nouvelles d'Anne-Catherine devrait être disponible en septembre, si tout va bien 😉
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