- Auteur : Vanessa Springora
- Ma note :
- Lu : février 2020
Au milieu des années 1980, élevée par une mère divorcée, V. comble par la lecture le vide laissé par un père aux abonnés absents. À treize ans, dans un dîner, elle rencontre G., un écrivain dont elle ignore la réputation sulfureuse. Dès le premier regard, elle est happée par le charisme de cet homme de cinquante ans aux faux airs de bonze, par ses œillades énamourées et l’attention qu’il lui porte. Plus tard, elle reçoit une lettre où il lui déclare son besoin « impérieux » de la revoir. Omniprésent, passionné, G. parvient à la rassurer : il l’aime et ne lui fera aucun mal. Alors qu’elle vient d’avoir quatorze ans, V. s’offre à lui corps et âme. Les menaces de la brigade des mineurs renforcent cette idylle dangereusement romanesque. Mais la désillusion est terrible quand V. comprend que G. collectionne depuis toujours les amours avec des adolescentes, et pratique le tourisme sexuel dans des pays où les mineurs sont vulnérables. Derrière les apparences flatteuses de l’homme de lettres, se cache un prédateur, couvert par une partie du milieu littéraire. V. tente de s’arracher à l’emprise qu’il exerce sur elle, tandis qu’il s’apprête à raconter leur histoire dans un roman. Après leur rupture, le calvaire continue, car l’écrivain ne cesse de réactiver la souffrance de V. à coup de publications et de harcèlement.
Brève de lecture
Vanessa Springora livre ici un témoignage sidérant de sa relation avec l’écrivain Gabriel Matzneff. Si vous avez raté l’info je vous invite à consulter ce lien qui vous en apprendra beaucoup sur ce personnage.
L’autrice a décidé de prendre la plume afin de livrer son témoignage après trente ans de douloureux et pesant silence.
Elle explique les circonstances et le contexte dans lesquels le prédateur Matzneff a fondu sur sa jeune proie, sûr de lui et de son aura d’écrivain à succès.
Nous sommes au comble de la manipulation.
La jeune Valérie aime les livres, la littérature. Le statut de l’écrivain combinée à la figure du père absent suffisent à la séduire. L’autrice le dit elle-même :
Un père aux abonnés absents qui a laissé dans mon existence un vide insondable. Un goût prononcé pour la lecture. Une certaine précocité sexuelle. Et, surtout, un immense besoin d’être regardée.
Toutes les conditions sont maintenant réunies.
Effectivement, toutes les conditions sont réunies pour donner à la jeune fille l’illusion du choix, du libre arbitre. Or Matzneff use et abuse de cet état de subjugation et repousse les limites de l’horreur. Le contexte qui lui permet d’agir dans une impunité qui ne tient qu’à un fil (mais un fil solide), la réaction de la mère de Vanessa (abjecte), la complaisance d’un entourage flatté, le tout a contribué à rendre possible une telle situation.
Au-delà de l’intérêt évident d’un tel témoignage, la plume de Springora est exquise. Sans fioriture mais élégante et sobre, elle raconte sa terrible et dévastatrice emprise du pédophile avec dignité et efficacité.
Un récit indispensable.
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